Chers collègues,
De plus en plus rares sont les jours qui passent sans que l’on constate à quel point la technologie change nos vies. Par exemple, 76 % des Canadiens et Canadiennes ont des téléphones intelligents.1 Ces appareils transforment la communication synchrone et asynchrone et relient les humains. L’explosion et la disponibilité de l’information nous rendent beaucoup moins tolérants envers l’incertitude. On nous dit souvent que les superordinateurs transformeront l’imagerie diagnostique et le diagnostic dermatologique.
Certaines de ces avancées sont utiles. Qui veut attendre au bout du fil pour parler à un représentant pour réserver un vol quand on peut le faire soi-même en ligne ? Mais cette même automatisation rendra-t-elle un peu ou beaucoup de notre travail obsolète ?
Davenport et Kirby suggèrent de voir l’automatisation sous un autre angle et de penser à l’augmentation qu’elle apporte. Autrement dit, plutôt que de se demander quelles tâches peuvent être mieux exécutées par les machines, demandons « quels nouveaux exploits pourrait-on réaliser si nous avions de meilleures machines pour nous aider ? »2 Voir l’automatisation en termes de maîtrise des coûts nous force à penser à ce que nous faisons déjà. Prendre en compte la complémentarité potentielle entre le travail humain et l’automatisation nous permettrait d’élargir notre réflexion et de déterminer quelle partie de notre travail serait « augmentée plutôt que diminuée » avec l’aide des machines.2
La culture numérique est « l’ensemble des compétences requises pour pleinement participer à une société du savoir. Elle comprend des connaissances, compétences et comportements requis pour mieux utiliser les appareils numériques... à des fins de communication, d’expression, de collaboration et de plaidoyer. »3 S’agit-il d’une compétence à acquérir et à évaluer ?
De nos jours, 85 % des médecins de famille utilisent des dossiers médicaux électroniques (DMÉ).4 Nous avons accès à des données sur la pratique et nous pouvons contribuer à l’amélioration de la qualité. Les innovations dans les consultations avec d’autres spécialistes, comme eConsult et Rapid Access to Consultative Expertise (RACE), améliorent l’accès et simplifient les choses pour nos patients et pour nous en tant que médecin traitant. En Ontario, les Télésoins à domicile ont réduit le nombre d’hospitalisations. Les avancées technologiques récentes permettent une « individualisation plus précise des estimations de diagnostic, de pronostic et de thérapie » (médecine de précision).5 Certaines innovations sont maintenant au point et appliquées à grande échelle. Elles sont toutes importantes, mais pour beaucoup, il fallait une gestion considérable du changement et du temps pour les mettre en œuvre. Ce qui peut sembler déstabilisant, c’est la vitesse du changement provoqué par les progrès technologiques.
De telles innovations ont d’importantes répercussions sur la prestation des soins dans la pratique de médecine de famille. Nous savons que poser un diagnostic et discuter du traitement n’est qu’un aspect des soins aux patients. La continuité de notre relation est fondamentale pour cultiver la confiance. L’appréciation des facteurs contextuels et socioéconomiques influence la prise de décision partagée et la prise en charge. Faire les liens requiert une pensée critique et un jugement clinique qui relèvent de notre formation et de notre expérience. Pouvons-nous créer et accepter un environnement dit high tech, high touch ?
Au cours des prochains mois, nous y consacrerons de l’énergie. Il est peu probable que la technologie et l’intelligence artificielle remplacent les professionnels de la santé, mais ceux qui se servent de ces innovations pourraient prendre de l’avance et éventuellement remplacer ceux qui ne le font pas. D’ici là, voici quelques points à considérer.
L’aménagement de votre bureau offre-t-il un espace accueillant pour vos patients et vos collègues ? Est-ce que vos DMÉ et vos écrans améliorent l’interaction virtuelle ? Leur emplacement est-il suffisamment discret pour permettre une meilleure interaction en face à face ?
Pouvez-vous saisir et extraire des données du DMÉ pour guider l’amélioration de la pratique et, ultimement, améliorer les soins ?
Pouvez-vous tirer parti des progrès technologiques pour permettre à vos patients et vos collègues de vous contacter plus facilement ?
Êtes-vous aussi centré sur les patients que vous pourriez l’être ? Demandez-vous régulièrement à vos patients et à votre personnel ce qui est important pour eux et trouvezvous des moyens de répondre à leurs besoins ?
Vous faudrait-il réévaluer la pertinence de vos compétences (profondeur) dans certains domaines ?
Devrait-il y avoir des « indicateurs de compassion » pour les organisations, les collèges professionnels responsables de l’établissement des normes et les pratiques sur lesquelles nous nous mesurons ?
Le public s’attend à recevoir des soins accessibles, personnalisés, préventifs, augmentés et compatissants. La pratique de médecine de famille est bien placée pour répondre à ces attentes.
Remerciements
Je remercie Eric Mang pour sa critique et ses commentaires sur cet article.
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