Scénario
Vous discutez d’une récente conférence avec un ami en prenant un café. « Qu’as-tu retenu de plus important? », demande votre ami.
« Il faudrait participer davantage à la lutte contre le VIH. J’ai entendu parler d’un effort mondial qui vise à enrayer véritablement le VIH. C’est toute une entreprise! », lui répondez-vous.
« Qu’est-ce que cela signifierait pour toi? », demande votre ami.
« La participation pourrait prendre diverses formes. L’un des conférenciers préconisait l’idée de faire plus de dépistage et de tests du VIH. Un autre encourageait les médecins de famille à offrir les traitements de base contre le VIH. Un autre suggérait de commencer à renseigner les patients à risque au sujet d’un nouveau traitement prophylactique préexposition. Certaines provinces l’incluent maintenant dans leur formulaire. Toutes ces choses sont possibles à faire. »
« Bien des choses à considérer, en effet », commente votre ami.
Données probantes
En 2014, le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida fixait les objectifs de sa stratégie d’élimination du VIH d’ici 2020, connue comme la cible 90-90-90 : 90 % des personnes infectées par le VIH sont diagnostiquées, 90 % des personnes diagnostiquées sont traitées et 90 % des personnes traitées ont une charge virale supprimée1. Des résultats préliminaires révèlent de bons progrès à l’échelle mondiale.
Il est surprenant que le Canada n’ait même pas atteint le premier objectif de 90 %. L’Agence de la santé publique du Canada estime qu’un peu moins de 80 % des personnes vivant avec le VIH ont reçu un diagnostic et que de 30 à 50 % des nouveaux cas sont transmis par des personnes qui ne savent pas qu’elles ont la maladie2. Et bien qu’au cours des dernières années, les taux d’infection au VIH au Canada soient demeurés relativement faibles et stables, en 2016, la proportion a augmenté à 6,4 nouveaux cas diagnostiqués par 100 000 habitants, par rapport à 5,8 par 100 000 de population en 20153.
La bonne nouvelle, c’est que les traitements sont efficaces et qu’une prophylaxie est accessible. Le diagnostic et le traitement précoces font en sorte que les gens qui ont des résultats positifs pour le VIH peuvent vivre une vie active, longtemps et en santé. La prophylaxie préexposition est de plus en plus utilisée comme option thérapeutique, surtout depuis que certaines provinces l’ont incluse dans leurs formulaires4. Il s’agit d’une thérapie combinée qui est indiquée de manière continue chez les personnes ayant des résultats négatifs pour le VIH, mais qui sont à risque constant d’une exposition à ce virus. Des données probantes démontrent qu’une prophylaxie préexposition, conjuguée à des pratiques sexuelles sécuritaires, entraîne une réduction considérable des nouvelles infections, surtout chez les hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes5.
Pour atteindre ces premiers 90 % au Canada, le dépistage et les tests sont essentiels. L’Agence de la santé publique du Canada recommande que le dépistage du VIH soit intégré dans les soins de santé réguliers6. Elle recommande aussi de simplifier l’évaluation des risques pour que les personnes ne se sentent pas mal à l’aise ou stigmatisées, et qu’elles acceptent davantage de subir les tests. Il n’est pas nécessaire de procéder à une évaluation complète des risques basée sur le comportement avant d’offrir un test pour le VIH. Il suffit que le patient comprenne comment le VIH se transmet, les avantages et les inconvénients des tests, et comment interpréter les résultats. Le dépistage et les tests pour le VIH est un processus en 2 étapes. Il faut commencer par une analyse de dépistage sérologique. Si les résultats sont positifs ou équivoques, des tests de confirmation sont nécessaires. Si les résultats des tests de confirmation sont positifs, la personne a besoin de soutien, puis d’un traitement ou d’une demande de consultation. L’Encadré 1 présente plus de renseignements sur le dépistage et les tests pour le VIH6.
Liste de vérification sommaire des recommandations sur le dépistage et les tests pour le VIH
Liste de vérification avant le dépistage
Avant le dépistage, procéder comme suit:
Communiquer les bienfaits des tests (p. ex. être rassuré de savoir qu’on est séronégatif pour le VIH, les avantages d’un diagnostic et d’un traitement précoces)
Expliquer la fenêtre sérologique et la nécessité éventuelle de passer un test de suivi
Encourager les patients à discuter des bienfaits des tests pour le VIH avec leurs partenaires
Discuter des étapes à suivre pour éviter de contracter ou de transmettre le VIH et d’autres maladies transmissibles sexuellement ou par le sang jusqu’à la fin de tous les tests
Expliquer comment la protection des renseignements personnels et l’anonymat seront préservés
Expliquer que, dans l’éventualité de résultats de tests positifs, les résultats seront communiqués à des professionnels de la santé publique qui peuvent aider à la notification des partenaires et à protéger l’anonymat et la vie privée du patient
Faire remarquer les avantages de divulguer sa séropositivité aux partenaires actuels et futurs
Déterminer les besoins de soutien du patient à la suite des tests
Dire aux patients qu’ils ont droit de refuser le test
Obtenir un consentement verbal au test
Liste de vérification après les tests
Après le dépistage, procéder comme suit:
Si les résultats du test de dépistage sérologique sont négatifs et si le test a été subi pendant que le patient était dans la fenêtre sérologique, tester à nouveau à 3 semaines et à 3 mois après le comportement à risque le plus récent. Conseiller au patient de continuer ses pratiques de réduction des risques jusqu’à ce que tous les tests soient terminés. S’il n’y a pas eu de comportement à risque dans les 3 mois précédant le test, des résultats négatifs sont concluants
Si les résultats du test sérologique sont indéterminés ou positifs, prescrire un test de confirmation. Conseiller au patient de continuer ses pratiques de réduction des risques jusqu’à ce que tous les tests soient terminés
Liste de vérification après les tests
Après les tests de confirmation, faire ce qui suit:
Si les résultats des tests de confirmation sont négatifs, suivre le protocole de répétition des tests expliqué plus haut
Si les résultats des tests de confirmation sont indéterminés, obtenir des spécimens de suivi et tous les renseignements cliniques et sur les risques et, au besoin obtenir des tests d’un laboratoire de référence
Si les résultats des tests de confirmation sont positifs, offrir du soutien et un traitement au patient:
-Préparer à l’avance les renseignements et les options d’aiguillage et assurer que la vie privée et la confidentialité du patient sont protégées
-Accorder au patient assez de temps pour prendre conscience des résultats, discuter des conséquences des résultats de tests positifs et poser des questions
-Se concentrer sur les messages positifs en soulignant les progrès réalisés dans la prise en charge, le traitement et le soutien des personnes infectées par le VIH
-Informer que l’infection par le VIH est désormais considérée comme une maladie chronique et qu’avec un traitement et un soutien adaptés, les personnes infectées par le virus peuvent jouir d’une vie longue, active et saine
-Renseigner le patient sur les stratégies de prise en charge et demander une consultation avec un médecin spécialiste dans le traitement du VIH
-Recommander au patient de passer des tests de détection d’autres infections transmissibles sexuellement (ITS), des hépatites B et C et de la tuberculose
-Donner des renseignements sur la réduction des risques pour prévenir la transmission du virus ou aiguiller le patient vers des services de réduction des risques
-Proposer au client de l’aiguiller, au besoin, vers des services de counseling spécialisés pour prendre en main leur santé et leur bien-être
-Discuter de la divulgation des résultats. Insister sur les avantages de divulguer sa séropositivité à ses partenaires présents et futurs, puis travailler avec le patient à mettre au point une stratégie (quand, comment et avec qui) de communication aux partenaires. Informer le patient que des infirmières en santé publique peuvent l’aider à aviser les partenaires afin de garder son anonymat
-Fixer un rendez-vous de suivi
Adaptation d’un document de l’Agence de la santé publique du Canada6.
En définitive
Il est possible d’éradiquer le VIH. Les médecins de famille font déjà des dépistages préventifs et prennent en charge toutes sortes de maladies chroniques. Pourquoi ne pas commencer à le faire pour le VIH? Les médecins de famille sont bien placés pour incorporer le dépistage et les tests pour le VIH dans leurs soins de santé réguliers afin d’aider ceux qui souffrent de cette infection à recevoir un diagnostic et à commencer un traitement. Cette démarche pourrait avoir un effet décisif sur l’élimination du VIH au Canada.
Notes
Les faits saillants du RMTC font la synthèse des dernières données probantes sur les maladies transmissibles tirées de récents articles publiés dans le Relevé des maladies transmissibles au Canada, une revue révisée par des pairs publiée en ligne par l’Agence de la santé publique du Canada. Ces faits saillants ont été rédigés par la Dre Patricia Huston, médecin de famille spécialisée en santé publique et rédactrice en chef du Relevé des maladies transmissibles au Canada.
Footnotes
The English version of this article is available at www.cfp.ca on the table of contents for the January 2018 issue on page 42.
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