La plupart des aînés sont autonomes, mais plusieurs ont de multiples problèmes chroniques et répondent aux critères de la fragilité. Pour ces personnes, les structures et les modèles traditionnels de soins ne sont peut-être pas l’idéal. Le modèle de l’hôpital convivial pour les aînés (HCA) a été préconisé comme moyen d’améliorer les soins aux patients plus âgés et de réduire les répercussions négatives résultant de l’hospitalisation1–3. Bien qu’une plus grande proportion de personnes âgées soient soignées au cabinet de leur médecin de famille plutôt qu’admises à l’hôpital, le concept des soins primaires conviviaux pour les aînés n’a pas été bien défini ni favorisé au Canada. Le nombre de visites est élevé; en 2009, presque le double des aînés ont consulté leur médecin de famille 10 fois ou plus par année en comparaison des adultes plus jeunes (9,7 c. 5,5 %)4.
Votre clinique est-elle conviviale pour les aînés?
L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) dirige des initiatives conçues pour mettre sur pied des communautés respectueuses des personnes âgées. En 2008, l’OMS lançait la Boîte à outils des centres de soins primaires respectueux des besoins des personnes âgées (Age-Friendly Primary Health Care Centres Toolkit, en anglais seulement)5, qui proposait des lignes directrices sur des syndromes gériatriques courants. Le document fournissait des renseignements sur les processus thérapeutiques (p. ex. des moyens pour aider les aînés à se présenter à leurs rendez-vous), de même que des conseils de base sur l’environnement physique, y compris des recommandations sur l’accessibilité et la conception des lieux. Même si le guide a été élaboré dans une perspective internationale, il peut servir de ressources aux médecins canadiens qui souhaitent repenser leurs cliniques. Il n’a pas été mis à jour depuis 2008.
Patients Canada est un organisme dirigé par des patients qui facilite la collaboration entre les patients, les aidants naturels et le milieu des soins de santé. L’organisme insiste sur l’expérience du patient comme étant, selon la définition du Beryl Institute, la somme de toutes les interactions, modulées par la culture de l’organisation, qui influencent les perceptions du patient dans tout le continuum des soins6. Dans le contexte d’une collaboration avec Patients Canada, le Comité de programme sur les soins aux personnes âgées (SPA) du Collège des médecins de famille du Canada s’est demandé comment les membres de la communauté de pratique en SPA rendaient leurs cliniques plus respectueuses des aînés et amélioraient par le fait même l’expérience des patients. Nous avions pour but de susciter de l’intérêt à l’égard de ce sujet et de commencer à dresser une liste d’idées.
Qu’avons-nous trouvé à propos des soins conviviaux pour les aînés?
Au Canada, une rencontre consensuelle nationale a conduit à l’élaboration de normes nationales pour les HCA et, subséquemment, à des initiatives provinciales visant à élaborer des paramètres et des indicateurs s’appliquant aux HCA. Les HCA ont pour but de réduire les risques d’hospitalisation afin de minimiser la perte du fonctionnement, de maintenir l’autonomie physique et d’être plus réceptifs aux besoins développementaux des aînés. L’environnement physique est souvent considéré comme l’élément principal du mouvement entourant les HCA, mais les facteurs suivants revêtent tous de l’importance :
soutien organisationnel;
processus thérapeutiques;
environnement émotionnel et comportemental;
éthique en soins et en recherche cliniques;
environnement physique3.
Par contre, les soins aux aînés en milieu de soins primaires ou ambulatoires n’ont fait l’objet que de peu de travaux. Il n’y a pas eu d’initiatives canadiennes officielles s’intéressant à la promotion des principes de la convivialité des soins pour les aînés. Une recherche documentaire formelle n’a pas permis de trouver de nombreux articles sur le sujet. Nous avons par ailleurs trouvé des articles portant sur l’amélioration des expériences des aînés en soins dentaires et dans les pharmacies, de même qu’au sujet des animaux plus vieux dans les cliniques vétérinaires!
Diverses études canadiennes se sont penchées sur les caractéristiques des pratiques liées aux principes de la convivialité pour les aînés. Wetmore et ses collègues ont fait un sondage auprès des patients d’une clinique de London (Ontario) et ont observé que les patients plus âgés avaient tendance à être plus satisfaits des soins et de l’accès aux soins que les personnes plus jeunes. Par contre, les patients de tous âges qui devaient attendre longtemps pour avoir un rendez-vous et n’étaient pas soignés constamment par le même médecin signalaient une moins grande satisfaction7. Des chercheurs ont sollicité l’opinion des patients à propos des systèmes et des modèles de soins; par exemple, Moore et ses collègues ont fait valoir que les patients plus âgés valorisaient la composante interdisciplinaire des soins8. Des modèles précis de soins, comme les soins à domicile et les soins partagés, n’ont jamais été étudiés dans le contexte d’une approche conviviale pour les aînés9,10.
Les principaux objectifs de rendement, élaborés par Patients Canada (Encadré 1), reflètent ce qui importe aux patients de divers âges, mais la plupart d’entre eux sont pertinents aux patients plus âgés. Par exemple, à première vue, le recours aux rendez-vous pris en ligne ou les contacts par courriel semblaient inappropriés en raison de notre façon de voir les aînés. Toutefois, la situation a changé au cours des dernières années, étant donné qu’une proportion progressivement plus grande de patients âgés sont en mesure d’utiliser ces services, qui peuvent maintenant être considérés comme conviviaux pour les aînés. Il convient de signaler que les patients accordent de l’importance à la prise de décisions partagée et à la collaboration dans l’élaboration des plans thérapeutiques. Un examen des principaux objectifs de rendement peut contribuer à rendre les pratiques plus conviviales et plus favorables pour tous les patients.
Principaux objectifs de rendement dans la pratique des soins primaires définis par Patients Canada
Les principaux objectifs de rendement suivants reflètent ce qui importe aux patients de divers âges; toutefois, la plupart d’entre eux sont aussi pertinents aux patients plus âgés.
Réponse le jour même : Le médecin de soins primaires communique avec le patient le jour même où le patient a communiqué avec lui
Rôle de la réception : Le personnel de la réception contribue à un accueil cordial et à une expérience utile pour le patient
Écoute et souci d’autrui : Le médecin de soins primaires prend le temps d’écouter le patient et prend acte tant de ses préoccupations émotionnelles que médicales; le patient est traité dans son intégralité plutôt que comme un problème ou un ensemble de symptômes. Le clinicien s’implique auprès du patient selon le degré de collaboration souhaité par le patient
Connexion avec les services communautaires : Le médecin de soins primaires informe le patient des services communautaires pertinents susceptibles de l’aider dans ses efforts pour améliorer sa santé; le recours à des services communautaires est consigné au dossier du patient
Bilan comparatif des médicaments : Le médecin de soins primaires est au courant de tous les médicaments prescrits au patient, qu’importe qui est le prescripteur, et travaille avec le patient et, possiblement, avec d’autres prescripteurs pour déterminer le meilleur agencement de médicaments pour la santé globale du patient
Capacités actuelles en communication : Le patient peut prendre rendez-vous, recevoir ou voir ses résultats d’analyses, renouveler ses ordonnances et communiquer avec le médecin de soins primaires et d’autres professionnels de la santé, par voie électronique
Accès au dossier médical électronique : Le médecin de soins primaires garde le dossier médical du patient sous forme électronique et a donné au patient l’accès en ligne à ce dossier pour voir et mettre à jour ses renseignements biographiques, et fournir des commentaires à propos de son état et de ses traitements
Élaboration conjointe des plans thérapeutiques : Le médecin de soins primaires définit les plans avec la collaboration du patient, dans la mesure où le patient souhaite participer
- en demandant au patient et aux membres de sa famille quels sont leurs objectifs en matière de santé et en intégrant ces objectifs dans le plan de traitement;
- en expliquant les options offertes au patient et à ses aidants, y compris les « pour» et les « contre » de chaque décision possible, et en respectant le choix du patient;
- en effectuant, sur une base continue, une évaluation de la réponse du patient au traitement qui comporte les commentaires du patient et de ses aidants
- en permettant au patient et aux membres de la famille de poser des questions au sujet des soins au patient et du plan thérapeutique du médecin de soins primaires
Accès après les heures : Le médecin de soins primaires offre des solutions après les heures, qui incluent un accès direct à un autre médecin et ne se limitent pas à orienter le patient vers l’urgence locale
Collaboration avec d’autres spécialistes : Le médecin de soins primaires recherche les spécialistes appropriés, que ce soit des médecins, d’autres professionnels de la santé ou d’autres spécialistes, et les mobilise promptement dans les soins au patient, s’assurant de communiquer tous les renseignements concernant le patient; le médecin de soins primaires tient le patient au courant de tous les rapports des spécialistes et des communications avec eux, et organise des discussions conjointes entre les spécialistes, lui-même et le patient lorsque des décisions importantes doivent être prises
Gestion efficace du temps du patient : Les systèmes internes du médecin de soins primaires permettent d’abréger le plus possible le temps passé dans la salle d’attente ou la salle d’examen; les rendez-vous sont donnés dans un délai acceptable pour le patient
Pour obtenir les commentaires des médecins de famille canadiens, une requête a été envoyée aux plus de 2000 médecins de famille inscrits dans la communauté de pratique en SPA. Les médecins ont reçu les paramètres de convivialité pour les aînés produits par les Programmes gériatriques régionaux de Toronto (http://seniorfriendlyhospitals.ca/about-sfh)11 et ont été appelés à indiquer les moyens pris pour rendre leurs cliniques et leurs pratiques plus conviviales pour les aînés, de même que les idées qu’ils ont envisagées pour l’avenir. Ce fut réconfortant de voir que les réponses des membres de la communauté de pratique en SPA étaient souvent enthousiastes et exprimaient la passion de s’occuper de personnes âgées lorsqu’elles décrivaient des moyens faciles ou ambitieux pour améliorer l’expérience des patients. Vous trouverez dans CFPlus* un résumé en anglais des idées et des réponses des membres de la communauté de pratique en SPA. L’accès aux soins est un facteur important pour les aînés; parmi les stratégies décrites par les répondants figuraient des plages de rendez-vous consacrées aux aînés fragiles, l’accès à la télésanté et les visites à domicile. Les préoccupations entourant la communication et la prise de décisions se dégageaient aussi comme des thèmes importants dans les suggestions. Pour y répondre, on proposait d’assurer que les membres de la famille ou les aidants puissent accompagner l’aîné à la clinique, et que le personnel soit capable de communiquer efficacement avec les patients plus âgés, sans être paternaliste. Les médecins répondants ont mentionné les soins à domicile qui étaient inclus dans toutes les sphères des soins respectueux des personnes âgées.
L’environnement physique de la clinique de médecine familiale est un élément important des soins pour toutes les populations, mais plus particulièrement pour les aînés fragiles. Nous avons reçu toutes sortes d’idées pour améliorer l’expérience des patients. Les tables d’examen qui peuvent être relevées et abaissées ont été proposées par plusieurs médecins. La grandeur des salles d’examen pour pouvoir accommoder la présence d’un membre de la famille ou d’un aidant est aussi importante, mais peut souvent être oubliée dans l’attribution des salles aux patients. L’éclairage, la disposition et la conception des aménagements d’accueil ont aussi été mentionnés. Vous pouvez consulter un exemple de liste de contrôle des facteurs de l’environnement physique hospitalier produit par le Programme gériatrique régional de l’Est de l’Ontario12. Bon nombre de ces caractéristiques s’appliquent aussi aux cliniques de médecine familiale.
Que faut-il faire?
Les médecins de famille canadiens souhaitent manifestement améliorer les soins aux personnes âgées dans leurs cliniques et d’autres milieux. Nous n’avons sollicité que les contributions des membres de la communauté de pratique en SPA*; nous aimerions aussi connaître les idées de tous les membres du Collège des médecins de famille du Canada. Si vous avez des stratégies conviviales pour les aînés dans votre pratique, que ce soit un aménagement particulier dans votre bureau ou encore le recours à une infirmière qui discute de la planification préalable des soins avec les patients plus âgés, n’hésitez pas à nous en faire part à hcoe{at}cfpc.ca. Nous les ajouterons à la liste des judicieuses idées que nous avons reçues jusqu’à présent.
Le mouvement des HCA a démarré au Canada à la suite d’importants efforts de collaboration qui ont réussi à convaincre les gouvernements et les décideurs des bienfaits des soins conviviaux pour les aînés. Étant donné les pressions exercées sur les soins primaires, ce sera aussi tout un défi d’obtenir un appui pour le concept des soins primaires conviviaux pour les personnes âgées. Nous avons l’intention de nous associer à d’autres organisations pour chercher du financement qui servira à élaborer un cadre stratégique et des recommandations formelles pour les soins en médecine familiale, comme ce fut le cas pour les HCA.
Le nombre grandissant de patients fragiles nous incite à comprendre que nous devons changer la façon dont nous abordons leurs soins dans tous les milieux et pas seulement à l’hôpital. À tout le moins, nous espérons que cet article stimulera les médecins de famille à envisager des moyens de rendre leurs propres pratiques aussi conviviales que possible pour les aînés. Idéalement, nous aimerions lancer un mouvement plus large (#soinsprimairesCA?) pour assurer que nos patients plus âgés reçoivent les meilleurs soins possibles.
Remerciements
Nous remercions Mme Cheri Nickel de son aide dans la recherche documentaire.
Footnotes
↵* Un résumé des idées et des commentaires des membres de la communauté de pratique en soins aux personnes âgées se trouve en anglais dans www.cfp.ca. Rendez-vous au texte intégral de l’article en ligne et cliquez sur l’onglet CFPlus.
Intérêts concurrents
Aucun déclaré
Les opinions exprimées dans les commentaires sont celles des auteurs. Leur publication ne signifie pas qu’elles soient sanctionnées par le Collège des médecins de famille du Canada.
The English version of this article is available at www.cfp.ca on the table of contents for the June 2018 issue on page 416.
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