Abstract
Objectif Présenter un outil visuel d’aide à la décision clinique dans le but d’aider à personnaliser la pharmacothérapie par antidépresseurs de première intention pour les adultes souffrant d’un trouble dépressif caractérisé (TDC) dans un contexte canadien.
Sources de l’information Une recherche documentaire a été effectuée au moyen de Google Scholar, PubMed, la base de données Cochrane des revues systématiques et Trip Pro à l’aide des vedettes MeSH en anglais depression, antidepressive agents, primary care, practice patterns, medication adherence et decision making, shared.
Message principal Le trouble dépressif caractérisé touche chaque année environ 4,7 % des Canadiens, et il est fréquemment observé et diagnostiqué en soins primaires. La dépression non traitée est liée à une moins bonne qualité de vie, à un risque accru de suicide, de même qu’à une détérioration de la santé physique lorsque la dépression se produit simultanément avec d’autres problèmes chroniques de santé. Dans une méta-analyse en réseau, des médicaments antidépresseurs (comme les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine, les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine-norépinéphrine, le bupropion et la vortioxétine) ont réduit de 50 % ou plus les symptômes de dépression par rapport à un placebo dans le traitement aigu d’adultes souffrant d’un TDC d’une intensité modérée à sévère. Une mauvaise adhésion au traitement et des taux élevés de discontinuation limitent la réussite du traitement du TDC. Il a été démontré que des facteurs comme des alliances thérapeutiques solides entre les patients et les prescripteurs, des soins en collaboration, l’éducation des patients et une autogestion soutenue accroissent l’adhésion au traitement. Les plus récentes lignes directrices sur le traitement de la dépression du CANMAT (Canadian Network for Mood and Anxiety Treatments), publiées en 2016, proposent 15 options différentes d’antidépresseurs de première intention pour le traitement du TDC. Des aides à la décision fondée sur des données probantes sont nécessaires pour personnaliser le traitement aux antidépresseurs dans le cas des patients ayant reçu un diagnostic de TDC.
Conclusion De récentes études sur les antidépresseurs ont indiqué qu’aucun antidépresseur n’est supérieur à un autre dans le traitement des patients souffrant d’un TDC. Cela donne à croire qu’il pourrait être possible d’améliorer l’adhésion au traitement et sa réussite en personnalisant le traitement par antidépresseurs en fonction des préférences de chaque patient. L’Outil d’aide au choix d’un antidépresseur a été élaboré pour aider les prescripteurs et les patients adultes à entreprendre une prise de décision partagée pour choisir un antidépresseur de première intention personnalisé et optimal pour le traitement d’un TDC aigu.
Le trouble dépressif caractérisé (TDC) touche chaque année environ 1,5 million (4,7 %) de Canadiens1. Dans l’étude sur le fardeau mondial des maladies, des blessures et des facteurs de risque, les troubles dépressifs se classaient comme étant le plus prévalent trouble mental causant une invalidité, au 13e rang dans l’ensemble des principales causes particulières des années de vie corrigées du facteur invalidité dans le monde et au 2e rang des causes particulières non transmissibles des années de vie avec une invalidité2. La dépression non traitée est liée à une moins bonne qualité de vie3, à un risque accru de suicide4 et à l’aggravation des problèmes de santé physique lorsque la dépression se produit concurremment avec des conditions médicales chroniques5. Le TDC est aussi associé à des pertes majeures de productivité en raison de l’absentéisme et du présentéisme1. Il est démontré, dans des études prospectives et rétrospectives reproductibles, qu’une intervention précoce améliore la réponse au traitement et la rémission, et qu’elle entraîne de meilleurs résultats à long terme6,7. Chez les adultes souffrant d’un TDC modéré à sévère, les antidépresseurs réduisent de plus de 50 % les symptômes dépressifs (nombre de sujets à traiter=4 à 7) par rapport au placebo dans un traitement aigu8. Un traitement par antidépresseurs réduit aussi les rechutes (d’environ 20 %, nombre de sujets à traiter=6) chez les sujets en rémission depuis 1 an ou moins par comparaison avec les résultats obtenus avec un placebo9. Des études antérieures ont fait valoir que seulement une fraction des patients reçoivent un traitement congruent avec des lignes directrices6. Une faible adhésion au traitement et des taux élevés de discontinuation limitent aussi la réussite du traitement du TDC1. Il a été démontré que de solides alliances thérapeutiques entre les patients et les prescripteurs, les soins en collaboration, l’éducation des patients et l’autogestion soutenue accroissent l’adhésion au traitement1.
La dépression est un problème fréquent observé en soins primaires10. Des études sur la qualité des soins dans le contexte du traitement de la dépression dans 65 cliniques canadiennes de soins primaires ont constaté que 52,1 % des patients adultes qui répondaient aux critères d’un épisode dépressif caractérisé avaient reçu un traitement minimalement adéquat contre la dépression en se fondant sur les indicateurs de la qualité établis dans les lignes directrices de pratique clinique canadiennes et des études antérieures11. Les cliniques où la plupart des omnipraticiens utilisaient des algorithmes sur le traitement des personnes ayant reçu un diagnostic d’anxiété ou de troubles dépressifs étaient plus étroitement corrélées avec la prestation d’un traitement approprié du TDC que les cliniques qui ne se servaient pas de tels algorithmes (rapport de cotes=1,46, IC à 95 % de 1,06 à 2,02)11. Cet article a pour but de présenter aux prescripteurs en soins primaires un outil systématique et efficace d’aide à la décision clinique pour les aider à personnaliser la pharmacothérapie contre la dépression.
Descriptions des cas
Cas 1. J.M. est un homme de 59 ans qui fréquente votre clinique multidisciplinaire de soins primaires. J.M. a récemment reçu un diagnostic de TDC modéré à sévère. Il souhaite faire l’essai d’un antidépresseur. J.M. a des antécédents de diabète sucré de type 2, de dyslipidémie, de neuropathie périphérique et d’obésité. Comment détermineriez-vous l’antidépresseur approprié à utiliser en premier pour J.M.?
Cas 2. C.P. est une jeune femme en santé de 32 ans qui vient de recevoir un diagnostic de TDC. Vous croyez que C.P. pourrait bénéficier d’un antidépresseur, mais elle semble hésiter. C.P. vous confie qu’elle a éprouvé des problèmes de libido. Comment décideriez-vous de l’antidépresseur le plus approprié pour C.P.?
Sources de l’information
Une recherche documentaire a été effectuée au moyen de Google Scholar, PubMed, la base de données Cochrane des revues systématique et Trip Pro, à l’aide des vedettes MeSH en anglais depression, antidepressive agents, primary care, practice patterns, medication adherence et decision making, shared. Les résumés de tous les articles ont été extraits, et ceux qui portaient sur la prise en charge de la dépression en soins primaires, la prise de décision partagée dans le contexte de la dépression ou les habitudes de prescription d’antidépresseurs en soins primaires ont été inclus dans cette revue, de même que les lignes directrices consensuelles et les énoncés de pratique pertinents de CANMAT (Canadian Network for Mood and Anxiety Treatment) et du Groupe d’étude canadien sur les soins de santé préventifs (GECSSP). Des sujets pertinents dans des bases de données tertiaires, comme UpToDate, ont été recensés et ont fait l’objet d’une critique, et les citations pertinentes sont incluses dans cette revue clinique.
Message principal
Dépistage. Le GECSSP ne recommande pas de dépistage systématique de la dépression chez les adultes qui se présentent en milieu de soins primaires sans symptômes apparents de dépression (recommandation faible)12. La ligne directrice du GECSSP suggère par ailleurs que le dépistage peut être approprié si les patients présentent des signes ou des symptômes de dépression, ou s’ils verbalisent des symptômes de dépression12. Cette ligne directrice du GECSSP ne s’applique pas aux personnes ayant une dépression connue ou des antécédents de dépression, ou qui sont traitées pour la dépression12.
Dans une méta-analyse sur les instruments de dépistage en soins primaires, la sensibilité et la spécificité des instruments étaient, en moyenne, de 85 % et 74 % respectivement, sans différences significatives entre les instruments sur le plan du rendement13. Le Questionnaire sur la santé du patient–9 (Tableau 1)14 est l’outil le plus souvent utilisé pour le dépistage de la dépression en soins primaires, et il a été démontré que sa sensibilité et sa spécificité pour le dépistage de la dépression étaient comparables à celles des entrevues semi-structurées dans une diversité de groupes d’âge et de cultures15,16. Le Questionnaire sur la santé du patient–9 s’est aussi révélé utile pour la surveillance de la réponse du patient au traitement16,17.
Évaluation. Un diagnostic de TDC est posé lorsqu’un patient répond aux critères énoncés dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, 5e édition (DSM-5; Encadré 1)18. Le DSM-5 a été publié en 2013 sans que des modifications soient apportées aux principaux symptômes du TDC ou à sa durée dans la révision du texte de la 4e édition du DSM (DSM-IV-TR)1,18. Parmi les modifications notoires dans le DSM-5 se trouvent la suppression de l’exclusion de la période de deuil du DSM-IV-TR, l’ajout de trouble dépressif persistant comme une nouvelle classification de la dépression chronique (auparavant appelée épisode dépressif majeur chronique et trouble dysthymique dans le DSM-IV-TR), de même que l’addition de 2 nouveaux troubles dépressifs : le trouble disruptif avec dysrégulation émotionnelle et le trouble dysphorique prémenstruel1,18.
Critères pour le diagnostic du trouble dépressif caractérisé dans la 5e édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux
A. Au moins 5 des symptômes suivants sont présents pendant une même période d’une durée de 2 semaines et représentent un changement par rapport au fonctionnement antérieur; au moins 1 des symptômes est soit (1) une humeur dépressive, soit (2) une perte d’intérêt ou de plaisir.
N.B. : Ne pas inclure les symptômes qui sont clairement imputables à une autre affection médicale.
1. Humeur dépressive présente quasiment toute la journée, presque tous les jours, signalée par la personne (p. ex. se sent triste, vide, sans espoir) ou observée par les autres (p. ex. pleure). (N.B. : Éventuellement irritabilité chez l’enfant et l’adolescent.)
2. Diminution marquée de l’intérêt ou du plaisir pour toutes ou presque toutes les activités, quasiment toute la journée, presque tous les jours (signalée par la personne ou observée par les autres).
3. Perte ou gain de poids significatif en l’absence de régime (p. ex. modification du poids corporel excédant 5 % en un mois) ou diminution ou augmentation de l’appétit, presque tous les jours. (N.B. : Chez l’enfant, prendre en compte l’absence de prise de poids attendue.)
4. Insomnie ou hypersomnie presque tous les jours.
5. Agitation ou ralentissement psychomoteur, presque tous les jours (constaté par les autres, non limité à un sentiment subjectif de fébrilité ou de ralentissement).
6. Fatigue ou perte d’énergie, presque tous les jours.
7. Sentiment de dévalorisation ou de culpabilité excessive ou inappropriée (qui peut être délirante), presque tous les jours (pas seulement se reprocher ou se sentir coupable d’être malade).
8. Diminution de l’aptitude à penser ou à se concentrer ou indécision, presque tous les jours (signalée par la personne ou observée par les autres).
9. Pensées de mort récurrentes (pas seulement une peur de mourir), idées suicidaires récurrentes sans plan précis, tentative de suicide ou plan précis pour se suicider.
B. Les symptômes induisent une détresse cliniquement significative ou une altération du fonctionnement social, professionnel ou dans d’autres domaines importants.
C. L’épisode n’est pas imputable aux effets physiologiques d’une substance ou à une autre affection médicale.
N.B. : Les critères A-C définissent un épisode dépressif majeur.
N.B. : Les réponses à une perte significative (p. ex. deuil, ruine, pertes au cours d’une catastrophe naturelle, maladie grave ou handicap) peuvent comprendre des sentiments de tristesse intense, des ruminations à propos de la perte, une insomnie, une perte d’appétit et une perte de poids, symptômes inclus dans le critère A et évoquant un épisode dépressif. Bien que ces symptômes puissent être compréhensibles ou jugés appropriés en regard de la perte, la présence d’un épisode dépressif majeur, en plus de la réponse normale à une perte importante, doit être considérée attentivement. Cette décision fait appel au jugement clinique qui tiendra compte des antécédents de la personne et des normes culturelles de l’expression de la souffrance dans un contexte de perte.
D. La survenue de l’épisode dépressif caractérisé n’est pas mieux expliquée par un trouble schizoaffectif, une schizophrénie, un trouble schizophréniforme, un trouble délirant, ou d’autres troubles spécifiés ou non spécifiés du spectre de la schizophrénie ou d’autres troubles psychotiques.
E. Il n’y a jamais eu auparavant d’épisode maniaque ou hypomaniaque. N.B. : Cette exclusion ne s’applique pas si tous les épisodes de type maniaque ou hypomaniaque sont imputables à des substances ou aux effets physiologiques d’une autre pathologie médicale.
Reproduit avec la permission de l’American Psychiatric Association18, droit d’auteur © 2013.
Prise en charge. Parmi les options de prise en charge de la dépression, mentionnons la pharmacothérapie, la psychothérapie, la thérapie par neurostimulation, les modifications au mode de vie, les thérapies complémentaires ou alternatives, ou encore une combinaison de diverses thérapies1. Cette revue porte seulement sur la pharmacothérapie. Les lignes directrices les plus récentes de CANMAT sur le TDC (publiées en 2016) recommandent 15 différents antidépresseurs comme thérapie de première intention possible (Tableau 2)19. Une revue systématique et une méta-analyse de réseau de 2018 n’ont pas démontré de supériorité statistiquement significative d’un antidépresseur de première intention par rapport aux autres8. Les lignes directrices de CANMAT dressent une liste de facteurs liés au patient et à la médication à prendre en compte dans le choix entre les nombreux antidépresseurs recommandés pour le traitement du TDC19. Au nombre des facteurs liés au patient figurent les caractéristiques et les dimensions cliniques, les comorbidités, la réponse et les effets secondaires lors d’une utilisation antérieure d’antidépresseurs, et les préférences du patient. En ce qui a trait aux facteurs liés à la médication, il faut tenir compte de l’efficacité comparative, de la tolérance comparative, des interactions médicamenteuses possibles, de la simplicité de l’administration, du coût et de l’accessibilité19. Il existe peu d’outils ou de conseils pour aider les prescripteurs en soins primaires à personnaliser les antidépresseurs en fonction des facteurs liés à la médication et au patient20.
L’Outil d’aide au choix d’un antidépresseur que nous proposons (les Figures 1A et 1B; leurs références se trouvent en anglais dans l’Appendice 1, accessible dans CFPlus*) a été conçu pour aider les prescripteurs et les patients adultes à décider d’une médication antidépressive de première intention qui est personnalisée et optimale pour le traitement du TDC. Lorsqu’un patient reçoit un diagnostic de TDC et qu’une pharmacothérapie fait partie des modalités thérapeutiques choisies, les prescripteurs peuvent utiliser l’Outil d’aide au choix d’un antidépresseur pour décider avec leur patient du médicament à utiliser. L’algorithme de l’outil commence dans le coin supérieur gauche de la Figure 1A. Le prescripteur détermine si le patient présente ou non une spécification de la dépression, telle que définie dans le DSM-518. Si le patient reçoit un diagnostic avec spécification, l’étape 1 de l’outil guide le prescripteur vers un encadré horizontal intitulé Spécifications de la dépression, en haut de la Figure 1A. L’encadré Spécifications de la dépression contient un résumé des recommandations d’antidépresseurs tirées des plus récentes lignes directrices de CANMAT pour le traitement de chacune des spécifications du TDC. Si le patient n’a pas reçu de diagnostic avec une spécification du TDC, l’Outil d’aide au choix d’un antidépresseur guide le prescripteur vers l’encadré Sans spécification de la dépression. Sur le côté gauche de la Figure 1A, dans l’encadré Sans spécification de la dépression, l’outil amorce la prise en compte des comorbidités du patient; si le patient n’a aucune comorbidité, on peut choisir n’importe quel agent de première intention, et le prescripteur peut passer à l’étape 2 (Figure 1B) de l’Outil d’aide au choix d’un antidépresseur pour individualiser davantage le choix de l’antidépresseur. Si le patient présente des comorbidités, les facteurs à prendre en compte sont structurés en fonction du système corporel affecté. Les antidépresseurs dont l’utilisation avec une comorbidité en particulier est étayée par des données probantes publiées sont résumés dans l’encadré Sans spécification de la dépression (Figure 1A).
L’étape 2 de l’outil aide à personnaliser davantage le traitement par antidépresseurs. Après avoir suivi l’étape 1 de l’Outil d’aide au choix d’un antidépresseur, les prescripteurs peuvent avoir réussi à circonscrire les options d’antidépresseurs en fonction des comorbidités du patient, sans avoir arrêté définitivement leur choix de l’agent antidépresseur à recommander. L’étape 2 de l’outil prend en considération des facteurs propres au patient, comme ses préférences quant aux effets secondaires, ses pharmacothérapies concomitantes, les modalités d’administration, des éléments liés à une dysfonction rénale ou hépatique, sa préférence pour un antidépresseur en particulier, ses expériences antérieures avec un antidépresseur et le coût, pour réduire encore plus le nombre des options possibles. En définitive, l’outil a pour but d’aider à choisir un antidépresseur de manière réfléchie, et ce, dans le cadre d’une collaboration entre le patient et le prescripteur.
La prise en compte des caractéristiques du patient dans la prescription d’un antidépresseur n’est pas une nouveauté. Les prescripteurs tiennent aussi compte de l’âge, des comorbidités, des symptômes particuliers de la dépression et des préférences du patient avant d’amorcer une thérapie par antidépresseurs. Toutefois, aucun outil systématique d’aide à la décision n’avait été publié jusqu’à maintenant pour aider les prescripteurs dans le choix d’un antidépresseur personnalisé en fonction du patient. L’Outil d’aide au choix d’un antidépresseur n’avait pas pour but de remplacer le processus de prise de décision clinique par les prescripteurs; il a plutôt été conçu pour soutenir les prescripteurs dans une évaluation exhaustive, fondée sur des données probantes et pragmatique des caractéristiques du patient pour personnaliser le traitement par antidépresseurs. L’outil visuel permet aussi la participation du patient à ses propres soins en lui donnant la possibilité de voir la justification de la sélection de l’antidépresseur et d’en discuter avec le prescripteur. Il a été démontré que la prise de décision partagée entre les cliniciens et les patients concernant la thérapie par antidépresseurs améliore la satisfaction du clinicien et du patient, qui se sentent plus à l’aise avec les décisions thérapeutiques21.
Il existe peu de données probantes qui démontrent de meilleurs résultats ou une plus grande adhésion des patients avec un traitement personnalisé par antidépresseurs. Des études sont en cours pour établir si un traitement par antidépresseurs personnalisé améliore les résultats de la dépression22. Le traitement par antidépresseurs n’est peut-être pas la modalité thérapeutique la plus appropriée pour tous les patients souffrant d’un TDC. L’Outil d’aide au choix d’un antidépresseur à l’essai n’inclut pas d’algorithme pour aider les patients et les prescripteurs à décider de la modalité thérapeutique (psychothérapie, pharmacothérapie, thérapie liée au mode de vie ou combinaison de diverses modalités); l’outil présume que le prescripteur et le patient ont déjà choisi de procéder à une pharmacothérapie.
L’Outil d’aide au choix d’un antidépresseur qui est mis à l’essai se concentre seulement sur la prise en charge pharmacologique de la dépression chez les adultes, fondée sur les données probantes actuelles. Lorsque l’utilité de l’Outil d’aide au choix sera établie, il est prévu d’élargir les algorithmes fondés sur des données probantes pour inclure la substitution par un autre antidépresseur, des détails sur le recours à des agents multiplicateurs de concert avec un antidépresseur, les agents de deuxième et de troisième intention, et les options pharmacologiques pour des populations précises, comme les patients gériatriques, les femmes, les adolescents et les jeunes adultes. Jusqu’à présent, les études dans ces populations sont limitées, et les antidépresseurs sont donc utilisés avec prudence dans ces groupes.
Résolution du cas
Cas 1. J.M. prend actuellement 5 mg de rosuvastatine par jour, 5 mg de ramipril par jour, 1000 mg de metformine 2 fois par jour avec un repas et 5 mg de linagliptine par jour. Il n’a pas d’antécédents de maladie rénale ou hépatique. Vous passez en revue les résultats des analyses de laboratoire de J.M. et il n’y a pas d’anomalies considérables. J.M. mentionne que la neuropathie périphérique dans ses pieds le dérange. Vous apprenez que J.M. a déjà reçu un diagnostic de dépression (il y a environ 20 ans) et qu’on lui avait prescrit de l’amitriptyline, qui lui avait causé d’intolérables effets indésirables. J.M. vous confie aussi qu’il s’inquiète de prendre du poids en raison de son diabète. J.M. est sans emploi et reçoit de l’aide sociale; le coût des médicaments le préoccupe donc. Dans l’Outil d’aide au choix d’un antidépresseur, vous consultez la section Neuropathie périphérique diabétique, sous la rubrique Comorbidités présentes dans l’étape 1 (Figure 1A) de l’outil, et les options de J.M. sont ainsi réduites à la desvenlafaxine, à la duloxétine ou à la venlafaxine. En passant à l’étape 2 de l’outil (Figure 1B), vous savez que la desvenlafaxine n’est pas couverte et ne serait pas abordable pour J.M. Vous discutez avec lui du choix entre la duloxétine et la venlafaxine. J.M. décide qu’il aimerait essayer un traitement par duloxétine. Vous lui rédigez une ordonnance de 30 mg de duloxétine par jour pour commencer et lui dites de revenir pour un suivi dans 1 semaine pour réévaluer la dose. J.M. est d’accord avec ce plan.
Cas 2. C.P. ne prend actuellement aucune autre médication et n’a pas de comorbidités. C.P. n’a jamais essayé d’autres médicaments antidépresseurs par le passé. Elle vous avoue qu’elle se préoccupe surtout d’un gain pondéral et de la perte de libido. Elle travaille comme hygiéniste dentaire et n’aime pas avoir la bouche sèche, mais elle est capable de la tolérer. Vous croyez que C.P. bénéficierait d’un antidépresseur, mais elle s’inquiète de commencer à prendre des médicaments. Vous passez en revue avec elle l’Outil d’aide au choix d’un antidépresseur et elle remarque que le bupropion pourrait être bénéfique sur le plan de la libido chez la femme et qu’il est le moins susceptible de causer un gain de poids. Elle note aussi que le bupropion peut causer une sécheresse de la bouche. Après une discussion avec vous, elle est réceptive à un essai du bupropion. Vous lui rédigez une prescription de 150 mg de bupropion à libération prolongée par jour et vous lui dites de revenir pour un suivi dans 1 semaine.
Conclusion
Le trouble dépressif caractérisé est un problème de santé mentale souvent observé en soins primaires; il peut entraîner des répercussions considérables sur la qualité de vie et le fonctionnement du patient. Un traitement précoce est associé à de meilleurs résultats. Des relations thérapeutiques étroites, l’éducation des patients et des soins multidisciplinaires en collaboration ont influé positivement sur l’adhésion du patient à la médication et sur son implication dans le traitement du TDC. De récentes études sur les antidépresseurs ont fait valoir qu’aucun antidépresseur n’est supérieur aux autres dans le traitement du TDC. Cette revue présente une nouvelle approche systématique du choix de la thérapie par antidépresseurs au moyen de la mise à l’essai de l’Outil d’aide au choix d’un antidépresseur conçu pour aider les prescripteurs à personnaliser la thérapie et encourager une prise de décision partagée par les patients et les prescripteurs.
Notes
Points de repère du rédacteur
▸ Bien que la dépression soit un problème fréquemment observé en soins primaires, les professionnels de première ligne ont peu de directives à consulter pour personnaliser le traitement contre la dépression adapté au patient.
▸ Les agents antidépresseurs (p. ex. inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine, inhibiteurs de la recapture de la sérotonine-norépinéphrine, bupropion, vortioxétine) sont efficaces pour réduire considérablement les symptômes chez certains patients qui vivent une dépression modérée à sévère. Un traitement hâtif du trouble dépressif caractérisé est associé à de meilleurs résultats.
▸ Un outil d’aide à la décision clinique pour personnaliser les antidépresseurs de première intention peut être utile dans les pratiques de soins primaires pour aider les prescripteurs et les patients à collaborer dans le traitement de la dépression.
Footnotes
↵* L’Appendice 1 est accessible en anglais à https://www.cfp.ca. Rendez-vous au texte intégral de l’article en ligne et cliquez sur l’onglet CFPlus.
Collaborateurs
Tous les auteurs ont contribué à la revue et à l’interprétation de la littérature scientifique, ainsi qu’à la préparation du manuscrit aux fins de présentation.
Intérêts concurrents
Les Drs Tracy Chin, Trudy Huyghebaert et Clark Svrcek n’ont aucun conflit d’intérêts à signaler. Le Dr Oloruntoba Oluboka a travaillé avec diverses sociétés pharmaceutiques. Le travail du Dr Oluboka avec des sociétés pharmaceutiques n’a eu aucun effet ni influence sur le concept, la planification et la rédaction de ce manuscrit.
Cet article donne droit à des crédits d’autoapprentissage certifiés Mainpro+. Pour obtenir des crédits, rendez-vous à https://www.cfp.ca et cliquez sur le lien vers Mainpro+.
Cet article a fait l’objet d’une révision par des pairs.
The English version of this article is available at https://www.cfp.ca on the table of contents for the November 2022 issue on page 807.
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