Le mot mentor vient du fameux poème d’Homère, L’Odyssée. Mentor était un homme très sage qui aidait et guidait Télémaque dans la quête de son père, Odyssée. En grec, mentor, au sens littéral, veut dire «perdurer», durer à travers les âges1. En langue moderne, il désigne un conseiller ou un guide digne de confiance2. Son sens est extrêmement impressionnant car une personne qui incarne cette définition influence immensément et profondément la vie du mentoré.
Avant mes études de médecine, j’ai eu le privilège d’enseigner les sciences à l’école secondaire pendant quelques années dans des quartiers défavorisés. C’est dans ce milieu, étant témoin du travail inlassable de mes collègues, que j’ai commencé à apprécier les qualités du véritable mentorat qui vont bien au-delà du simple enseignement des faits. C’est un travail d’amour inspirant qui transforme des vies.
En tant que résident en médecine familiale, l’importance que j’accorde au mentorat a grandi exponentiellement, tout autant que mon respect pour mes mentors. Étant donné la structure de l’éducation médicale, de la formation clinique et de la recherche, le rôle et les attributs d’un bon mentor devraient être un thème central dans tout programme de perfectionnement professoral. Je crois que c’est une obligation fondamentale pour assurer la réussite des résidents. Les meilleurs programmes de résidence qui produisent d’excellents médecins ont inévitablement à leur base un réseau de solides mentors.
Quelques qualités de base se retrouvent chez tous les bons mentors: ils manifestent un enthousiasme authentique et infectieux, ils modifient leur stratégie d’enseignement selon les besoins des apprenants, ils réfléchissent constamment à leur rôle, ils ont d’excellentes habiletés interpersonnelles et ils connaissent leur matière3,4. Ces qualités fonctionnent en synergie pour produire un milieu d’apprentissage non menaçant. Le mentoré peut démontrer ses connaissances et ses habiletés ou exprimer ses préoccupations sans crainte de représailles ou de railleries. Une rétroaction constructive est plutôt donnée et ce, uniquement dans l’intérêt de l’apprenant.
Apprendre, ce n’est pas pour obtenir de bonnes évaluations, mais plutôt dans le but premier de devenir un meilleur médecin. Le climat établi par un bon mentor favorise l’estime de soi et inculque l’importance de l’apprentissage permanent. Je me rappelle plusieurs fois où, grâce aux discussions, les résidents tiraient profit au maximum des séances d’examen des dossiers. Nous examinions collectivement les cas difficiles avec des précepteurs superviseurs qui avaient encouragé dès le départ un environnement collégial et franc, ce qui favorisait un apprentissage purement dans le but d’acquérir des connaissances. Nous discutions tous librement de ce que nous aurions fait; de là, nous reconnaissions les erreurs communes dans nos approches aux cas difficiles. Les leçons restaient gravées dans notre mémoire. Nous retournions à la maison avec le désir de lire sur les sujets discutés, simplement parce que nous étions encouragés par l’environnement positif.
Il est décevant d’entendre parler de superviseurs qui créent une culture d’intimidation et ridiculisent dans l’intention maladroite de faire ressortir le meilleur des résidents. De tels précepteurs ont sans doute été formés à une époque où l’on croyait à tort qu’une telle méthode fonctionnait ou qu’un tel comportement était acceptable; peut-être qu’inconsciemment, ils imitent le traitement qu’ils ont déjà enduré. Il est pourtant démontré qu’une telle atmosphère est nuisible et totalement inacceptable sur le plan le plus fondamental du professionnalisme. Tout professeur qui enseigne aux résidents doit le faire de manière efficace et constructive. Après tout, cela fait partie de la description de tâches dans les centres affiliés à une université. Les administrateurs de l’éducation médicale postdoctorale devraient assurer que le corps professoral reçoit une formation formelle en enseignement et en personnification de modèles à imiter. Ceci devrait être relié aux évaluations du rendement et aux promotions, en particulier pour ceux qui aspirent à une nomination. Aucun résident ne devrait avoir à tolérer des comportements démoralisants de la part d’éducateurs; c’est nuisible à un bon apprentissage.
Un bon mentor fait ressortir le meilleur de ses protégés par des relations dynamiques et positives, réciproquement bénéfiques. Les stagiaires font inconsciemment une rétrospective sur les attitudes et les comportements qu’ils ont rencontrés durant leur formation; les relations qu’ils développent ont des implications profondes. Les personnes et les établissements à qui on confie la formation des résidents doivent examiner sérieusement les qualités inhérentes d’un bon mentor, puis aspirer à former les enseignants selon ces critères. Ceux que les résidents évaluent comme de bons mentors ne devraient pas seulement être reconnus officiellement, mais pourraient aussi servir de conseillers auprès de 1 ou 2 résidents dans leur programme de formation.
Un bon mentor est un atout précieux dans cette profession complexe, alors cherchez-en-un. Une fois que vous avez l’avez trouvé, valorisez son temps et sa sagesse. Les mentors, en plus d’enseigner par des mots et des gestes, se soucient de nous, nous respectent et nous habilitent à aborder avec confiance la multiplicité des complications inhérentes à la condition humaine.
Ultimement, nous devons en retour manifester notre gratitude envers nos mentors en offrant d’excellents soins aux patients et en évoluant pour devenir nousmêmes de bons modèles à imiter. C’est la façon dont ils aimeraient que nous leur rendions hommage, en assurant ainsi que les plus belles traditions de notre noble profession «perdurent!» à travers les âges.
Footnotes
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Intérêts concurrents
Aucun déclaré
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Références
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