En présentant l’argument négatif dans ce débat1, Dre Trollope-Kumar reconnaît l’existence d’une multitude de données probantes qui démontrent que l’épuisement professionnel est un sérieux problème pour la profession médicale. En revanche, la question est plutôt de savoir si nous dramatisons à l’excès l’épuisement professionnel. C’est sur ce plan que nos positions diffèrent.
Les premières lignes du texte de Dre Trollope-Kumar aident à expliquer ma préoccupation au sujet de la dramatisation excessive. Elle décrit au lecteur une scène qui se passe dans un salon de médecins. Le dialogue du début amène une familiarité confortable chez le lecteur et tranquillement, il accepte les faits plutôt que de se questionner. Dès le début, elle trompe le destinataire en décrivant la charge de travail comme étant de l’épuisement professionnel.
Dre Trollope-Kumar entre en scène en donnant une tension dramatique à son argument, ce qui crée la confusion chez les spectateurs: pensées suicidaires, comportement perturbateur et toxicomanie. Lorsqu’ils décrivent l’épuisement professionnel, les experts ont souvent recours au procédé littéraire de juxtaposition afin d’induire une relation causale alors que les études ne révèlent qu’une association2,3. Cette intention altruiste de mettre l’épuisement professionnel au premier plan étaye ces allégations, mais laisse plutôt place à une fausse interprétation.
Dre Trollope-Kumar et moi sommes à l’aise avec la définition de Maslach de l’épuisement professionnel et nous reconnaissons les multiples facteurs qui y sont associés, notamment la congruence des valeurs4. Dre Trollope-Kumar considère la charge de travail comme un facteur de risque. Premièrement, elle suggère qu’une charge de travail élevée contribue à l’épuisement professionnel5. Une méticuleuse lecture de l’étude menée par Langballe et ses collègues révèle que la «perception» d’une charge de travail élevée a été mesurée et le document qui en est ressorti démontre des interactions complexes de facteurs associés5. En considérant la qualité du travail, Dre Trollope-Kumar affirme que de traiter des patients difficiles, tels que ceux atteints d’un cancer, peut être une cause d’épuisement professionnel chez les chirurgiens oncologues2, mais elle se contredit aussitôt et soulève le fait que les médecins en soins palliatifs souffrent moins d’épuisement professionnel tout en traitant des patients similaires6. En réalité, ni la charge, ni le type de travail ne cause l’épuisement professionnel.
La dramatisation à l’extrême renvoie inévitablement l’attention sur l’acteur qui est confronté à régler le ou les problèmes sur scène, en utilisant, peut-être, des «stratégies de soins personnels» 7. Les spectateurs (la profession) observent, fascinés, mais impuissants. Il reste que l’épuisement professionnel est beaucoup plus qu’un simple synonyme de stress; l’épuisement professionnel est un problème de milieu de travail4. L’ensemble de la profession doit s’engager à mettre en œuvre une solution. Le véritable défi est de déterminer et d’évaluer les interventions organisationnelles qui sont complémentaires aux soins de soi et qui renforcent la résilience. La recherche qualitative est essentielle dans ce processus et Dre Trollope-Kumar et ses collègues sont des chefs de file dans le domaine8. Lorsque nous aurons pris du recul face au drame, nous commencerons à aborder l’épuisement professionnel avec efficacité.
Footnotes
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Intérêts concurrents
Aucun déclaré
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Ces réfutations sont les réponses des auteurs des débats dans le numéro de juillet (Can Fam Physician 2012;58:730–3 [ang], 734–7 [fr]).
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