Plus de 11 % des enfants de 5 à 15 ans et 28 % des adolescents de 15 à 19 ans souffrent de migraine et la plupart d’entre eux consulteront un médecin au moins 1 fois durant leur enfance1. La prévalence de la migraine augmente avec l’âge; elle est légèrement plus fréquente chez les garçons avant la puberté et 1,5 fois plus commune chez les filles durant l’adolescence2. La migraine infantile peut entraîner des absences à l’école, des résultats scolaires moins bons et une moins grande participation aux activités extracurriculaires.
Il est difficile de diagnostiquer la migraine chez les enfants et le problème peut être classé avec ou sans aura. La Classification internationale des céphalées, 3e édition, est actuellement le critère standard de diagnostic3. On définit la migraine comme une céphalée récurrente, avec au moins 5 crises durant de 4 à 72 heures, et qui présente au moins 2 des caractéristiques suivantes: unilatéralité, sensation pulsatile, d’intensité moyenne à grave ou aggravation par l’activité physique3. La photophobie et la phonophobie de même que la nausée avec ou sans vomissements font aussi partie des critères de diagnostic3.
De légères modifications ont été apportées aux critères pour les populations pédiatriques: les migraines peuvent être bilatérales, d’une durée plus courte et certaines caractéristiques autonomiques comme la photophobie et la phonophobie peuvent être déduites à partir du comportement de l’enfant. Plus l’enfant est jeune, moins les symptômes sont caractéristiques; toutefois, à l’adolescence, la présentation devrait répondre aux critères qui s’appliquent aux adultes3. Comme chez les adultes, d’autres problèmes peuvent se produire simultanément comme des troubles de l’humeur, de l’anxiété, du sommeil et de l’alimentation4.
Traitement de la migraine
L’acétaminophène, l’ibuprofène, les alcaloïdes de l’ergot et les triptans par voie intranasale sont fréquemment utilisés pour traiter les crises aiguës de migraine5. Pour faire disparaître la migraine peu après son apparition, il a été démontré que 15 mg/kg d’acétaminophène ou 10 mg/kg d’ibuprofène sont d’une égale efficacité6. Parmi les triptans (agonistes de la 5-hydroxytryptamine), on a constaté que le sumatriptan en vaporisateur nasal (5 et 20 mg) est le plus efficace pour soulager les céphalées chez l’adolescent5. Une vidange gastrique retardée et de la nausée peuvent accompagner la migraine, mais les études en faveur d’un traitement avec des antiémétiques sont limitées.
De nombreux patients trouvent utiles de consigner leurs céphalées dans un journal pour trouver des tendances et déterminer les facteurs provocateurs5. La prise en charge à long terme de la migraine repose sur des changements au mode de vie (p. ex. adopter une meilleure hygiène du sommeil, faire de l’activité physique, éviter les déclencheurs comme la caféine, prendre des repas à heures régulières, maintenir une bonne hydratation et gérer le stress), ainsi qu’un traitement précoce pour éviter la chronicité5.
Prévention de la migraine
Si les migraines sont fréquentes ou intenses, il pourrait être nécessaire de prendre des mesures préventives pour améliorer la qualité de vie et éviter une surutilisation de médicaments comme l’acétaminophène et l’ibuprofène7. On a fait valoir que le topiramate (100 mg/j) était efficace pour diminuer la fréquence des crises pédiatriques de migraine, mais les résultats d’études sur l’amitriptyline, le propranolol et la flunarizine ont été contradictoires ou peu concluants4. Parmi les autres options préventives, on peut mentionner la cyproheptadine, la gabapentine, la prégabaline, le valproate, l’amitriptyline, la nortriptyline et le vérapamil, chacun ayant sa propre efficacité et ses effets secondaires4.
Thérapies complémentaires
Étant donné l’efficacité limitée des thérapies préventives actuelles, on utilise de plus en plus les médecines douces et complémentaires dans la prise en charge des céphalées8. On a émis l’hypothèse que la dysfonction mitochondriale joue un rôle dans la pathophysiologie de la migraine9. La riboflavine est un précurseur dans la chaîne du transport des électrons mitochondriaux et un cofacteur dans le cycle de Krebs et elle a été utilisée dans le traitement de diverses maladies mitochondriales, d’où l’hypothèse qu’augmenter la disponibilité de riboflavine pourrait améliorer la fonction mitochondriale cérébrale et entraîner la prévention de la migraine10.
Riboflavine chez les adultes
Deux études randomisées contrôlées avec des doses élevées de riboflavine (400 mg/j) ont produit des résultats contradictoires11,12. Lorsqu’on a comparé la riboflavine avec un placebo chez 55 patients adultes, la riboflavine a réduit la fréquence des crises de migraine (P = ,005) et le nombre de jours de céphalée (P = ,012)11. Lorsqu’on a administré la riboflavine avec du magnésium et de la grande camomille à 120 patients (de 2 hôpitaux de banlieue différents) âgés de 18 à 65 ans qui souffraient de migraine depuis au moins 1 an, il n’y avait pas de différence entre le groupe expérimental et celui prenant un placebo quant à la réduction du nombre de migraines (P = ,87) ou à la diminution des jours de migraine (P = ,63)12. Fait intéressant, 60 % des patients ont abandonné l’étude et il s’est produit une réponse très élevée au placebo, possiblement du fait que le placebo contenait 25 mg de riboflavine12.
Riboflavine chez les enfants
Les données concernant l’utilisation de la riboflavine chez les enfants sont très limitées. Une étude rétrospective faisait valoir une diminution de la fréquence des migraines chez les patients plus jeunes et une moins grande intensité chez les patients masculins13. Parmi 41 enfants italiens (de 8 à 18 ans) qui avaient reçu soit 200 ou 400 mg/j de riboflavine pendant 3, 4 ou 6 mois, la riboflavine avait réduit la fréquence de la migraine (21,7 [écart-type de 13,7] par rapport à 13,2 [E-T 11,8]; P<,01), en particulier chez les enfants de moins de 12 ans et avait diminué l’intensité (2 [ET 0,5] par rapport à 1,6 [ET 0,8]; P<,01) surtout chez les garçons (P<,05)13. La plupart (77 %) des patients ont signalé que, pendant qu’ils prenaient de la riboflavine, leurs médicaments habituels pour soulager la migraine (principalement des antiinflammatoires non stéroïdiens, de l’acétaminophène et des triptans) étaient plus efficaces. La longue durée du traitement et la période de suivi étaient considérées comme des forces de l’étude, mais la conception rétrospective et la petite taille de l’échantillonnage limitent la possibilité de généraliser les résultats.
Dans 2 études randomisées contrôlées à double insu contre placebo, on ne rapportait aucune différence dans la réduction des migraines en utilisant la riboflavine14,15. Chez 48 enfants australiens (de 5 à 15 ans) qui étaient traités quotidiennement pendant 12 semaines avec 200 mg de riboflavine, il n’y avait pas de différence significative dans le nombre de crises de migraine sur une période de 4 semaines lorsqu’on les comparait à ceux qui prenaient un placebo14. La gravité des migraines (mesurée par l’intéressé) était également semblable dans les 2 groupes.
Dans une étude randomisée contrôlée à double insu contre placebo en 2010, 42 enfants des Pays-Bas âgés de 6 à 13 ans recevaient 50 mg/j de riboflavine pendant 16 semaines, suivies d’une pause de 4 semaines, puis de 16 semaines à prendre un placebo ou vice-versa15. Les chercheurs n’ont trouvé aucune différence significative entre les groupes dans la fréquence (P=,44), la durée (P=,15) ou la gravité (P=,18) des migraines en moyenne15. Il est intéressant de constater qu’il y a eu une réduction significative dans les céphalées due à la tension (P<,04) signalée dans le groupe prenant de la riboflavine.
Questions relatives à la sécurité de la riboflavine
La riboflavine a été bien tolérée dans toutes les études et il n’y a eu aucun rapport de toxicité sérieuse13. Il a été démontré que l’absorption de la riboflavine atteignait la saturation entre 30 et 50 mg et sa demi-vie durait environ 1 à 2 heures16. Les doses de 100 à 400 mg/j de riboflavine dans les études pédiatriques se fondaient sur des études antérieures avec des adultes et les doses utilisées pour les maladies mitochondriales10,13. C’est une quantité environ 100 fois plus élevée que dans l’apport alimentaire normal13. Tant dans les études sur la riboflavine chez les adultes que chez les enfants, on n’a signalé que peu de cas de diarrhée, d’urine de couleur orangée et de vomissements.
Conclusion
Même si elle est sécuritaire, bien tolérée et peu coûteuse, la riboflavine n’est pas éprouvée comme étant efficace pour prévenir la migraine chez les enfants et elle n’est actuellement pas recommandée pour cet usage. Il semble y avoir une réponse différente à la riboflavine selon le sexe et l’âge13, possiblement en raison de différences dans la pharmacocinétique et les niveaux de riboflavine sérique17. Il faudrait des études de recherche avec des échantillonnages de plus grande taille pour un meilleur contrôle quant à la réponse au placebo. On a suggéré antérieurement d’administrer la riboflavine avec des aliments ou par doses quotidiennes multiples17. Des études en pharmacocinétique sont en cours et il pourrait y avoir certains haplotypes de mitochondries qui répondent mieux à la riboflavine18.
Si un médecin décide qu’un enfant devrait essayer la riboflavine, la dose recommandée devrait être de 50 à 400 mg/j pendant au moins 4 mois. S’il n’y a pas d’amélioration, il faudrait discontinuer la riboflavine et envisager une prévention pharmacologique. Les médecins devraient s’assurer que les enfants continuent d’avoir un traitement approprié contre la migraine, suggérer aux patients de garder un journal consignant leurs céphalées et conseiller les patients et les familles au sujet de changements au mode de vie.
Notes
PRETx
Mise à jour sur la santé des enfants est produite par le programme de recherche en thérapeutique d’urgence pédiatrique (PRETx à www.pretx.org) du BC Children’s Hospital à Vancouver, en Colombie-Britannique. Dre Sherwood est membre et Dr Goldman est directeur du programme PRETx. Le programme PRETx a pour mission de favoriser la santé des enfants en effectuant de la recherche fondée sur les données probantes en thérapeutique dans le domaine de la médecine d’urgence pédiatrique.
Avez-vous des questions sur les effets des médicaments, des produits chimiques, du rayonnement ou des infections chez les enfants? Nous vous invitons à les poser au programme PRETx par télécopieur au 604 875-2414; nous y répondrons dans de futures Mises à jour sur la santé des enfants. Les Mises à jour sur la santé des enfants publiées sont accessibles dans le site web du Médecin de famille canadien (www.cfp.ca)..
Footnotes
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Cet article donne droit à des crédits Mainpro-M1. Pour obtenir des crédits, allez à www.cfp.ca et cliquez sur le lien vers Mainpro.
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The English version of this article is available at www.cfp.ca on the table of contents for the March 2014 issue on page 244.
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Intérêts concurrents
Aucun déclaré
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Références
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