Scénario
Une femme de 18 ans vous consulte pour un mal de gorge depuis plus d’une semaine. Elle n’a pas d’antécédents médicaux, de toux, de rhinite, ni de fièvre. Vous apprenez qu’elle étudie à l’université, aime passer du temps sur les médias sociaux et participe à des soirées les fins de semaine. Les anticonceptionnels oraux sont ses seuls médicaments. À l’examen, elle n’est pas en détresse aiguë et les seuls signes pertinents sont une légère adénopathie cervicale et des amygdales érythémateuses. Vous prenez un écouvillon de la gorge et le placez dans un milieu à base de charbon. Vous lui dites que vous l’appellerez pour lui donner les résultats et lui expliquez comment prendre soin d’elle entre-temps. Deux jours plus tard, vous recevez ses résultats de tests positifs pour la gonorrhée.
Données probantes
La gonorrhée arrive au deuxième rang des infections transmises sexuellement les plus courantes au Canada, après la chlamydia. Au Canada, comme dans le reste du monde, son incidence est en hausse croissante1. Quoique la gonorrhée pharyngée puisse se présenter avec un mal de gorge, elle est souvent asymptomatique, ce qui entraîne une transmission subséquente. L’infection anogénitale peut être asymptomatique chez la femme et, si elle n’est pas détectée et traitée, elle peut causer de sérieuses complications, dont une transmission accrue du VIH, des maladies pelviennes inflammatoires susceptibles de dégénérer en douleurs chroniques au bas-ventre, grossesse ectopique, avortement spontané et infertilité2.
Or, les options thérapeutiques s’épuisent peu à peu. Au fil des ans, la gonorrhée est devenue résistante aux tétracyclines, aux sulfonamides, aux combinaisons de triméthoprime et aux quinolones. Les Centers for Disease Control and Prevention (CDCP) des États-Unis ont récemment signalé une forte hausse de la résistance aux 2 derniers antibiotiques efficaces disponibles, soit l’azithromycine et la ceftriaxone. Entre 2013 et 2014, la résistance à l’azithromycine est passée de 0,6 à 2,5 %, tandis que celle à la ceftriaxone augmentait de 0,4 à 0,8 %3. Malgré ces taux encore faibles, la tendance est inquiétante, puisqu’il n’y a actuellement aucune autre option de traitement. Une préoccupation semblable a été rapportée au Canada4.
L’Organisation mondiale de la Santé, les CDCP et l’Agence de la santé publique du Canada recommandent tous maintenant une thérapie combinée comme traitement de première intention pour la gonorrhée, composée de ceftriaxone (par injection) ou de cefixime (par voie orale) en dose unique, en association avec de l’azithromycine en dose unique2–4. Ces recommandations doivent être mieux connues. Dans un récent sondage en ligne auprès de médecins sur leurs habitudes de prescription pour la gonorrhée, aussi peu que 20 % ont indiqué prescrire une céphalosporine et de l’azithromycine comme thérapie de première intention pour une infection pharyngée5. Il s’agissait d’un échantillon de convenance qui pourrait ne pas être représentatif, mais les résultats font ressortir que tous les cliniciens ne sont pas au courant de la nécessité d’une thérapie combinée. Les lignes directrices sur le traitement des infections transmises sexuellement de l’Agence de la santé publique du Canada, accessibles dans une application pour téléphones intelligents, se révèlent un outil utile pour les cliniciens, à télécharger gratuitement sur appareils Apple ou Android. Vous avez ainsi au bout des doigts les plus récents conseils thérapeutiques.
En définitive
L’incidence accrue de la gonorrhée et l’augmentation de ses taux de résistance aux derniers antibiotiques efficaces pour la traiter créent une situation de crise exigeant les efforts concertés des soins cliniques et de la santé publique. Nous devons traiter les cas efficacement, assurer le suivi des contacts et renforcer les messages de prévention. Il faut dès maintenant augmenter la sensibilisation et déployer des efforts pour éliminer le risque de se retrouver à l’ère d’avant les antibiotiques.
Notes
RMTC RELEVÉ DES MALADIES TRANSMISSIBLES AU CANADA
Les faits saillants du RMTC font la synthèse des dernières données probantes sur les maladies transmissibles tirées de récents articles publiés dans le Relevé des maladies transmissibles au Canada, une revue révisée par des pairs publiée en ligne par l’Agence de la santé publique du Canada. Ces faits saillants ont été rédigés par la Dre Patricia Huston, médecin de famille spécialisée en santé publique et rédactrice en chef du Relevé des maladies transmissibles au Canada.
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