La trithérapie désigne ici l’utilisation simultanée d’un anticoagulant oral (ACO), comme la warfarine, et une double thérapie antiplaquettaire (DTAP), comme l’acide acétylsalicylique (AAS) combiné au clopidogrel1. Sur le plan clinique, la trithérapie est le plus souvent indiquée chez les patients atteints d’une fibrillation auriculaire (FA) qui ont un syndrome coronarien aigu (SCA) ou qui ont subi une intervention coronarienne percutanée (ICP) avec insertion d’une endoprothèse, ce qui représente environ 5 à 8 % de l’ensemble des patients qui subissent une ICP2. Il existe peu de données probantes pour guider les cliniciens dans la prescription d’une trithérapie. C’est pourquoi il est difficile d’évaluer les bienfaits d’une trithérapie par rapport à la DAPT ou à une bithérapie combinée (p. ex. un ACO combiné à un seul agent antiplaquettaire) chez de tels patients. Il est évident que la trithérapie comporte un risque plus élevé d’hémorragie qu’une bithérapie combinée ou une DTAP3. De plus, le risque de saignements augmente avec l’usage continu4.
En raison des données probantes limitées et de la complexité de ce schéma thérapeutique, il ne faudrait prescrire une trithérapie qu’après une consultation avec un cardiologue. Il convient de souligner que les habitudes de prescription des cardiologues pour ces patients pourraient varier en raison du manque de données concluantes. Par exemple, une analyse des ordonnances d’agents antithrombotiques pour des patients atteints de FA après une ICP dans un centre canadien de cardiologie a révélé que moins de la moitié des patients recevaient une trithérapie et environ le cinquième d’entre eux suivaient des thérapies non fondées sur des données probantes5. Le présent article passe en revue la littérature scientifique pertinente, insiste sur les décisions entourant le choix et la durée d’une thérapie anticoagulante ou antiplaquettaire, et explique comment les prescripteurs en soins primaires peuvent faire la surveillance de la trithérapie, communiquer aux patients la raison d’être d’une trithérapie et de sa durée, de même que réduire le risque d’hémorragie (Encadré 1).
Conseils pratiques pour la surveillance d’une trithérapie antithrombotique et la communication aux patients de sa raison d’être et de sa durée
Lorsque la thérapie est amorcée, documenter ce qui suit dans le dossier du patient (dossier médical électronique ou en papier) :
indication de la trithérapie et durée prévue
l’objectif de RIN suggéré (p. ex. 2,0–2,5, 2,0–3,0) si la warfarine est utilisée
les instructions pour la réduction progressive de la thérapie, de même que sa durée
le score HAS-BLED et les facteurs de risque réversibles à éliminer (passer en revue à chaque visite subséquente pendant la trithérapie)
la durée prévue de l’utilisation d’un inhibiteur de la pompe à protons, s’il est pris pour la protection gastrique
Faire inscrire ce qui suit sur l’étiquette de l’ordonnance :
instructions concernant la durée de la trithérapie (p. ex. « continuer jusqu’à [date], puis arrêter »)
Éducation du patient :
Insister sur la durée prévue de la trithérapie et encourager le patient à signaler tout saignement
Veiller à ce que le patient comprenne quels antithrombotiques il doit continuer à prendre quand la trithérapie est terminée (surtout en ce qui concerne l’AAS qui est accessible en vente libre)
Conseiller au patient d’éviter les produits en vente libre qui peuvent augmenter le risque de saignements (p. ex. AINS, vitamine E, oméga 3 à forte dose [3–4 g/j], produits de santé naturel [p. ex. ginkgo, ginseng, ail])
AAS—acide acétylsalicylique; AINS—anti-inflammatoire non stéroïdien; HAS-BLED—hypertension avec pression artérielle systolique > 160 mm Hg, fonction rénale ou hépatique anormale, AVC (causé par une hémorragie), saignements, RIN labile, âge avancé (> 65 ans), médicaments (AAS, AINS) ou alcool (≥ 8 consommations/semaine); RIN—rapport international normalisé.
Description du cas
Mme L.F., une femme de 80 ans que vous connaissez, se présente à votre clinique se plaignant d’essoufflement, de fatigue et de « cœur qui débat » depuis environ 2 jours. Un électrocardiogramme confirme une FA et une fréquence cardiaque de 120 battements/min. Vous examinez son dossier afin de choisir un agent pour prévenir un AVC dû à la FA et vous constatez qu’elle a subi un infarctus du myocarde sans élévation du segment T il y a 2 mois, qui a été traité par 2 endoprothèses à élution de médicaments. On lui a prescrit 90 mg de ticagrelor 2 fois par jour pendant 12 mois, 81 mg d’AAS par jour à vie, 50 mg de métoprolol 2 fois par jour, 10 mg de ramipril par jour et 40 mg d’atorvastatine par jour. Au nombre de ses antécédents médicaux figurent l’hypertension, le diabète de type 2, la dyslipidémie et l’arthrose. Comme autres médicaments, elle prend 500 mg de metformine 2 fois par jour, 650 mg d’acétaminophène 2 fois par jour et 20 mg de paroxétine 1 fois par jour, qu’elle a commencé à prendre durant sa ménopause à cause des bouffées de chaleur. Mme L.F. ne fume pas et ne boit presque jamais d’alcool. Elle n’a pas de problèmes de mobilité et habite dans un condominium de manière autonome avec son conjoint.
Les récents résultats de laboratoire de Mme L.F. révèlent un taux d’hémoglobine A1c de 7,8 % et un taux de cholestérol à lipoprotéines de basse densité de 2,6 mmol/l. Les résultats de son hémogramme, sa fonction rénale et ses taux d’enzymes hépatiques se situent tous dans la normale. À la clinique, aujourd’hui, son indice de masse corporelle est de 26 kg/m2 et sa pression artérielle est de 124/82 mm Hg. Son score CHADS2 (insuffisance cardiaque congestive, hypertension, âge ≥ 75 ans, diabète de type 2, AVC antérieur ou accident ischémique transitoire) s’élève à 3. Son score HAS-BLED (hypertension avec pression systolique de > 160 mm Hg, fonction rénale ou hépatique anormale, AVC [causé par une hémorragie], saignements, rapport international normalisé [RIN] labile, âge avancé [> 65 ans], médicaments [AAS, anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS)] ou alcool [≥ 8 consommations/semaine]) est de 2 et se fonde sur son âge et son utilisation d’AAS. (Ce score ne tient pas compte de ses autres médicaments qui augmentent son risque d’hémorragie [p. ex. ticagrelor et paroxétine]).
Il est indiqué pour Mme L.F. de prendre un ACO pour la prévention d’un AVC dû à la FA; toutefois, vous décidez de consulter son cardiologue, parce qu’elle prend actuellement une DTAP pour son récent SCA et ses endoprothèses coronariennes.
Données probantes appliquées à la pratique
La trithérapie pourrait être prescrite aux patients ayant simultanément une FA et un récent SCA, parce qu’il a été démontré que la DTAP était supérieure à un ACO pour réduire le risque de thrombose due à une endoprothèse6, mais qu’elle était inférieure à un ACO pour prévenir les incidents thrombotiques chez les patients ayant une FA7. Les lignes directrices de 2016 de la Société canadienne de cardiologie sur la prise en charge de la FA recommandent une trithérapie (81 mg/j d’AAS, 75 mg/j de clopidogrel et un ACO) pendant 3 à 6 mois chez les patients atteints de FA âgés de 65 ans ou plus, qui ont un score CHADS2 de 1 ou plus et ont subi une ICP, suivie par du clopidogrel avec un ACO pendant 6 à 9 mois (12 mois au total) après l’incident déclencheur, puis d’une monothérapie avec un ACO1. Par ailleurs, il s’agit d’une recommandation conditionnelle fondée sur des données probantes de faible qualité1. Au lieu d’une trithérapie, certains cardiologues pourraient choisir une DTAP pour les patients dont le score CHADS2 est inférieur à 2 ou encore une bithérapie combinée (p. ex du clopidogrel et un ACO) chez les patients à risque élevé de saignements1.
Même s’il y a plusieurs études randomisées contrôlées (ERC) qui évaluent les schémas antithrombotiques pour le SCA ou la FA individuellement, les données probantes disponibles concernant des patients souffrant à la fois du SCA et de FA sont limitées et se fondent principalement sur des études observationnelles et des ERC ouvertes (Tableau 1)1,2,8–12. Dans des méta-analyses, on a tenté de quantifier les bienfaits d’une trithérapie par rapport à d’autres schémas antithrombotiques; toutefois, les résultats ne sont pas concluants en raison de la proportion de patients souffrant de SCA au départ, du manque de signalement des facteurs de risque spécifiques aux patients (p. ex. scores CHADS2 et HAS-BLED), de la durée variable de la trithérapie et de la faible qualité des études3,13,14. À l’inverse, le risque d’hémorragie avec une trithérapie a été bien quantifié. Par rapport à une DTAP ou à une bithérapie combinée, la trithérapie double le risque global d’hémorragie et est associée à un taux de 5 à 15 % de saignements majeurs à 1 an3,9,15,16. Environ 1 hémorragie sur 10 est fatale9,15. Il n’est pas surprenant que le taux d’hémorragie augmente avec la durée de la trithérapie4.
Deux ERC ouvertes2,9 ont comparé la trithérapie avec une bithérapie combinée chez des patients qui ont subi une ICP (Tableau 1)2,8–12. L’étude WOEST (What is the Optimal Antiplatelet and Anticoagulant Therapy in Patients with Oral Anticoagulation and Coronary Stenting) comparait la warfarine plus du clopidogrel avec une trithérapie (AAS, warfarine et clopidogrel) chez 573 patients qui avaient une endoprothèse coronarienne (69 % avaient une FA)9. L’étude PIONEER-AF-PCI (Open-label, Randomized, Controlled, Multicenter Study Exploring Two Treatment Strategies of Rivaroxaban and a Dose-adjusted Oral Vitamin K Antagonist Treatment Strategy in Subjects with Atrial Fibrillation who Undergo PCI), réalisée auprès de 2124 patients ayant une FA et qui avaient subi une ICP, comportait 3 volets de traitement : une bithérapie combinée (rivaroxaban à faible dose[15 mg/j] plus du clopidogrel); une trithérapie avec du rivaroxaban à très faible dose (2,5 mg 2 fois par jour); et une trithérapie avec de la warfarine2. Aucune de ces études n’était conçue pour examiner les incidents thrombotiques et, par conséquent, les différences dans leur efficacité pourraient ne pas avoir été détectées2,9. Les 2 essais étudiaient les saignements comme paramètre principal et ont conclu que la bithérapie combinée causait moins d’hémorragies que la trithérapie2,9. Dans l’étude PIONEER-AF-PCI, dont le résumé est accessible en anglais dans CFPlus*, le paramètre principal se situait dans les hémorragies exigeant une attention médicale et la différence dans les taux de saignements majeurs n’était pas statistiquement significative entre les groupes2. De plus, seulement environ 25 à 50 % des patients avaient un SCA comme incident déclencheur2,9. En se fondant sur l’étude WOEST, les lignes directrices de la SCC recommandent une bithérapie combinée (du clopidogrel plus un ACO) pendant 12 mois pour les patients atteints de FA qui subissent une ICP non urgente1.
Sélection des anticoagulants pour une trithérapie
La plupart des données probantes limitées concernant la trithérapie portent sur la warfarine. Les méta-analyses susmentionnées qui évaluaient la trithérapie incluaient seulement les antagonistes de la vitamine K; ces études fournissent l’ensemble le plus important de données probantes (15 et 18 études, N = 7182 et N = 17 708, respectivement), même si les 2 se basent largement sur des données observationnelles3,13. Si la warfarine est utilisée, il y a lieu d’envisager de cibler un RIN de 2,0 à 2,5 et de surveiller le RIN fréquemment (p. ex. aux 2 semaines), même si cette cible étroite est difficile à atteindre1,17,18. Les lignes directrices de 2016 de la SCC sur la FA proposent, en se fondant sur une extrapolation des données des études sur les anticoagulants oraux directs (ACOD) pour la FA, l’utilisation d’un ACOD, comme l’apixaban, le dabigatran ou le rivaroxaban, plutôt que la warfarine pour les patients ayant une FA non valvulaire et un récent SCA1. Toutefois, l’efficacité clinique et l’innocuité des ACOD dans un schéma de trithérapie n’ont pas été établies.
Parmi les ACOD, seuls le rivaroxaban et le dabigatran ont fait l’objet de données randomisées contrôlées sur l’innocuité par rapport à la warfarine (dans le cadre d’une trithérapie) chez des patients ayant une FA (Tableau 1)2,8–12,19. Par ailleurs, ces essais n’étaient pas conçus pour évaluer l’efficacité et n’ont donc pas déterminé qu’il y avait une réduction des taux d’AVC et d’embolie systémique dans les cas de FA. L’étude PIONEER-AF-PCI comparait 15 mg de rivaroxaban par jour plus 75 mg de clopidogrel par jour, 2,5 mg de rivaroxaban 2 fois par jour plus une DTAP (75 mg/j de clopidogrel plus 75 à 100 mg/j d’AAS), avec la warfarine plus une DTAP (RIN ciblé de 2,0 à 3,0)2. Sur le plan de l’innocuité, les 2 stratégies comportant du rivaroxaban ont eu pour résultat des saignements moins cliniquement significatifs par rapport à la warfarine (les différences dans les taux de saignements majeurs n’étaient pas statistiquement significatives)2. Au moment de la publication, les comprimés de 2,5 mg de rivaroxaban n’étaient pas commercialement accessibles au Canada. En ce qui a trait au dabigatran, une analyse d’un sous-groupe de l’étude RE-LY (Randomized Evaluation of Long-term Anticoagulation Therapy in Patients with Atrial Fibrillation and who are at Increased Risk of Stroke) évaluait l’effet d’une DTAP avec un ACO (dabigatran ou warfarine) dans la prévention des AVC et des embolies systémiques chez une petite proportion (4,9 %) de patients atteints de FA qui suivaient par inadvertance un schéma de trithérapie à un certain point durant les 2 années du suivi19. Les détails sont limités quant à la durée de la trithérapie chez ces patients19. L’ajout d’une DTAP à un ACO a augmenté les saignements majeurs, mais le risque absolu était le plus faible avec 110 mg de dabigatran 2 fois par jour19. Les autres études marquantes sur la FA qui comparaient des ACOD avec la warfarine excluaient les patients qui prenaient du clopidogrel, et seulement environ le tiers des patients prenaient de l’AAS20,21.
Trois des ACOD ont été comparés avec un placebo dans des schémas trithérapeutiques pour la prévention secondaire du SCA (Tableau 1)2,8–12; par contre, la proportion de patients atteints de FA n’a pas été signalée10–12. Les ERC portant sur le dabigatran et l’apixaban n’ont pas réussi à démontrer de bienfaits, mais ont révélé des taux plus élevés de saignements majeurs11,12. Dans l’essai sur le rivaroxaban, on utilisait des comprimés de 2,5 mg 2 fois par jour (inaccessibles commercialement au Canada), qui réduisaient le risque d’incidents cardiovasculaires, mais augmentaient celui de saignements majeurs10.
Sélection des antiplaquettaires pour une trithérapie
Le clopidogrel est l’antiplaquettaire à privilégier en combinaison avec l’AAS et un ACO1. Les agents plus récents et plus puissants, comme le prasugrel et le ticagrelor, ne sont pas recommandés en raison d’un risque plus élevé d’hémorragie en comparaison du clopidogrel22,23 et des données limitées sur leur rôle dans le contexte d’une trithérapie1. Par contre, si le clopidogrel n’est pas une option (p. ex. à cause d’une allergie, d’une thrombose due à une endoprothèse pendant le traitement), on pourrait envisager le ticagrelor ou le prasugrel1. En plus de l’antiplaquettaire choisi, il est recommandé que les patients en trithérapie prennent de l’AAS à faible dose (81 mg/j)1.
Durée de la trithérapie
La durée de la trithérapie est très individualisée*. Les lignes directrices de la SCC recommandent une thérapie de 3 à 6 mois, mais font remarquer que la durée dépend des risques perçus de thrombose due à une endoprothèse coronarienne et d’hémorragie majeure, comme le score HAS-BLED du patient, le type d’endoprothèse posée (métal nu c. à élution de médicaments) et les facteurs de risque de thrombose due à l’endoprothèse (p. ex. diabète de type 2, endoprothèse à élution de médicaments de première génération, nombre d’endoprothèses)1.
Des ERC ont évalué diverses durées de trithérapie2,8,9. L’étude ISAR-TRIPLE (Intracoronary Stenting and Antithrombotic Regimen-testing of a 6-week versus a 6-month Clopidogrel Treatment Regimen in Patients with Concomitant Aspirin and Oral Anticoagulant Therapy Following Drug-eluting Stenting) a comparé des trithérapies de 6 semaines et de 6 mois et n’a pas cerné de différences statistiquement significatives entre les groupes selon les principaux paramètres composés du décès, de l’infarctus du myocarde, de la thrombose due à une endoprothèse, de l’AVC ischémique et de l’hémorragie majeure8. Toutefois, seulement le tiers de la population à l’étude avait eu un SCA récent et 84 % avaient une FA (Tableau 1) 2,8–12. Les principaux paramètres dans les études WOEST et PIONEER-AF-PCI étaient mesurés à 1 an; par contre, la durée de la trithérapie était à la discrétion du clinicien2,9. Seulement 22 % et 66 % des patients inscrits respectivement dans les études PIONEER-AF-PCI et WOEST avaient suivi une trithérapie pendant 12 mois. Une fois la trithérapie terminée, le patient devrait passer à une bithérapie combinée (p. ex. un ACO plus un antiplaquettaire) pendant jusqu’à 12 mois après l’insertion de l’endoprothèse, puis à un ACO seul, indéfiniment1.
La communication entre le cardiologue, le prescripteur de soins primaires et le pharmacien est essentielle pour que les patients reçoivent le schéma approprié pendant une période de temps appropriée.
Réduire le risque d’hémorragie
Le score HAS-BLED est un outil utile pour évaluer le risque d’hémorragie chez les patients atteints de FA1. Il est essentiel de régler les facteurs de risque réversibles pour réduire la possibilité d’une hémorragie, en particulier pour les patients en trithérapie. Parmi ces facteurs de risque figurent une pression artérielle non contrôlée, un RIN labile, l’utilisation de médicaments qui prédisposent le patient à des saignements (p. ex. AINS, corticostéroïdes, inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine) et une consommation fréquente d’alcool (p. ex. ≥ 8 consommations alcoolisées par semaine). Il faudrait évaluer le risque d’hémorragie du patient avant de commencer le traitement et pendant toute la thérapie.
Il y a lieu d’envisager l’ajout d’un inhibiteur de la pompe à protons (IPP) comme protection gastrique pour les patients en trithérapie, particulièrement ceux qui ont des antécédents de saignements gastro-intestinaux ou d’ulcères1,16,17,24. Bien qu’il n’y ait pas beaucoup de renseignements sur l’efficacité de la protection gastrique dans une trithérapie, des données probantes démontrent effectivement que les IPP réduisent le risque de saignements du tractus gastro-intestinal supérieur d’au moins 50 % chez les patients qui suivent une DTAP25. Auparavant, on s’inquiétait d’une possible interaction médicamenteuse entre les IPP et le clopidogrel sur la base des données d’une étude observationnelle26. Les données d’ERC plus récentes font valoir l’improbabilité d’une interaction cliniquement significative. Par contre, si un patient qui prend du clopidogrel commence un IPP, il faudrait envisager de choisir un autre agent que l’oméprazole ou l’ésoméprazole pour réduire le risque d’interaction médicamenteuse27. Une fois la trithérapie terminée, l’IPP devrait être discontinué s’il n’est plus nécessaire.
À l’Encadré 1 se trouve une liste de suggestions pratiques pour faciliter la trithérapie dans la pratique.
De retour au cas de Mme L.F
Le cardiologue de Mme L.F. souhaite la voir à son cabinet mais, entre-temps, il vous demande d’arrêter son ticagrelor et de commencer à administrer 75 mg de clopidogrel par jour (à débuter le matin après sa dernière dose de ticagrelor la veille au soir), et ce, pendant 10 mois (c.-à-d. qu’elle recevra un inhibiteur de P2Y12 pendant un total de 12 mois après l’insertion d’une endoprothèse coronarienne). Elle doit continuer à prendre sa faible dose d’AAS pendant un autre mois, puis arrêter (c.-à-d. qu’elle aura pris une thérapie à l’AAS pendant 3 mois au total après l’insertion d’une endoprothèse coronarienne. On lui prescrit 3 mg de warfarine par jour et le seuil de RIN suggéré se situe entre 2,0 et 2,5 pendant la trithérapie.
Vous décidez de prescrire 40 mg de pantoprazole par jour pendant la trithérapie de Mme L.F. et d’augmenter aussi son métoprolol à 75 mg 2 fois par jour pour obtenir un meilleur contrôle des taux. Vous réévaluez sa paroxétine, parce que les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine peuvent accroître le risque d’hémorragie gastro-intestinale28. Étant donné qu’elle n’a plus de bouffées de chaleur depuis des années, vous décidez de réduire la dose de paroxétine pour la discontinuer éventuellement. Vous insistez également sur l’importance de se conformer à la trithérapie pendant toute la durée prescrite, vous lui décrivez les signes et les symptômes d’hémorragie et vous lui recommandez d’éviter d’utiliser des produits en vente libre qui pourraient augmenter son risque de saignements (p. ex. AINS, vitamine E, oméga 3 à forte dose [3 à 4 g/j], produits de santé naturels comme le ginkgo, le ginseng et l’ail).
Conclusion
Il reste des questions entourant le schéma antithrombotique idéal et la durée appropriée du traitement pour les patients atteints de FA qui ont un SCA ou ont subi une ICP avec insertion d’une endoprothèse coronarienne. Atteindre l’équilibre entre le risque d’incidents thrombotiques et celui d’une hémorragie constitue tout un défi thérapeutique. Il faudrait consulter un cardiologue avant d’amorcer une trithérapie et d’en déterminer la durée, puis établir un plan précis pour passer à une bithérapie combinée ou à un seul agent lorsque la trithérapie est terminée. Puisque le risque d’hémorragie est cumulatif, une bonne communication entre tous les professionnels de la santé, les patients et les aidants est importante pour faciliter la conformité à la durée de trithérapie recommandée. De plus, il importe aussi d’éliminer les facteurs de risque réversibles d’hémorragie et d’envisager une protection gastrique afin d’optimiser la sécurité des patients.
Remerciements
Nous remercions de son aide M. Roland Halil, pharmacien clinicien au sein de l’Équipe universitaire de santé familiale Bruyère à Ottawa, en Ontario.
Footnotes
* Le bulletin et le graphique de RxFiles sur la durée de la double thérapie antiplaquettaire et de la trithérapie pour les indications cardiovasculaires et cérébrovasculaires, de même qu’un résumé de l’étude PIONEER-AF-PCI, se trouvent en anglais à www.cfp.ca. Rendez-vous au texte intégral de cet article en ligne et cliquez sur CFPlus dans le menu du coin supérieur droit de la page.
Cet article donne droit à des crédits d’autoapprentissage certifié Mainpro+. Pour obtenir des crédits, rendez-vous sur www.cfp.ca et cliquez sur le lien Mainpro+.
The English version of this article is available at www.cfp.ca on the table of contents for the May 2017 issue on page 375.
Intérêts concurrents
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Références
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