L’un des objectifs de mon année à la présidence est d’utiliser cet espace pour souligner l’excellent travail des médecins de famille d’un bout à l’autre du Canada. Le mois dernier, j’ai parlé des membres de notre communauté de chercheurs. Ce mois-ci, je mets l’accent sur nos chefs de file qui ont créé des services interprofessionnels de soins primaires à domicile.
En 2013, Stall et coll. publiaient un article en deux parties sur la valeur des soins primaires à domicile pour les patients âgés confinés à la maison1,2. L’article décrivait « les modèles modernes de soins primaires à domicile, qui fournissent des soins primaires continus à domicile, particulièrement aux patients atteints de maladies chroniques complexes, qui sont mal desservis par les soins en cabinet ». Ils ont précisé que ces soins sont souvent dispensés par des équipes interprofessionnelles comportant des professionnels paramédicaux et dirigées par des médecins. Ils ont décrit divers modèles de soins primaires dispensés à domicile, mais pour la plupart, les données provenaient d’Europe et des États-Unis. L’article mentionnait deux des rares programmes canadiens, soit Primary Integrated Interdisciplinary Elder Care at Home ou PIIECH (Victoria, C.-B.), et House Calls (Toronto, Ontario).
Les soins primaires à domicile sont une composante sous-estimée et sous-financée de notre système de santé. Quand j’ai entendu parler des programmes phares susmentionnés, j’ai voulu en apprendre davantage.
PIIECH a été créé par le Dr Ted Rosenberg. En 2003, Dr Rosenberg faisait de la consultation en gériatrie. En réaction aux compressions budgétaires dans les soins de santé, il a décidé de créer une équipe interprofessionnelle qui offirait des services d’évaluation et améliorerait la continuité des soins aux personnes âgées confinées à domicile. Sa demande de financement ayant été rejetée, il a persisté, allant même jusqu’à fournir de sa poche une grande partie des fonds requis. C’est ainsi qu’est né le programme PIIECH, une équipe qui compte aujourd’hui, outre lui-même, deux infirmières, un aide en réadaptation, une physiothérapeute à temps partiel et deux médecins de famille à temps partiel. Quand je lui ai parlé, l’équipe s’occupait de 280 patients âgés à domicile. Les médecins facturent à l’acte et les patients paient pour les services paramédicaux non assurés. Véritable réussite, le programme permet aux patients âgés de demeurer à domicile plus longtemps et de passer moins de temps à l’hôpital. Pour les patients inscrits, le programme a diminué de 20 p. cent le taux de visites à l’urgence et de 40 p. cent le recours aux soins aigus3.
J’ai découvert un modèle tout aussi performant à Toronto, lorsque j’ai rencontré l’équipe du programme House Calls de Dr Nowaczynski. À l’instar d’un médecin qui a été pour lui un modèle marquant, Dr Nowaczynski a commencé à faire des visites à domicile pendant sa résidence en médecine de famille. Captivé par ce travail, il a continué de faire ces visites après l’obtention de son diplôme en 1992. Sa passion pour les soins à domicile a été, comme celle de Dr Rosenberg, stimulée par les compressions dans les soins de santé. Avec le consentement explicite de ses patients, il a commencé en 1998 à photographier et documenter leurs conditions de vie, ce qui a mené à un article de trois pages publié dans The Globe and Mail4. L’article souligne à quel point ses patients bénéficieraient d’un meilleur soutien s’ils étaient suivis par une équipe interprofessionnelle. Trois organismes communautaires sans but lucratif lui ont proposé du personnel à temps partiel, soit une infirmière, une travailleuse sociale et un ergothérapeute à raison de deux jours par semaine. Il a fallu attendre 2009 pour obtenir les fonds requis pour financer une équipe stable. Aujourd’hui, l’équipe est composée de six médecins de famille à temps plein ou à temps partiel. La moitié d’entre eux facturent à l’acte et les autres sont rémunérés selon un autre mode. Elle compte également deux infirmières praticiennes, trois ergothérapeutes, deux travailleuses sociales, deux coordonnateurs d’équipe et un physiothérapeute à temps partiel. Environ 600 à 800 patients bénéficiaient de leurs services chaque année, dans une circonscription hospitalière regroupant plus d’un million de résidents.
Comme pour PIIECH, les patients inscrits au programme House Calls sont moins susceptibles d’avoir recours aux hôpitaux et se disent très satisfaits. Sans ce programme, bon nombre d’entre eux n’auraient pas de suivi médical ou seraient institutionnalisés.
Mon intérêt pour les soins à domicile m’a aussi fait découvrir Dr Jay Slater et son programme Home ViVE à Vancouver, C.-B., et Dre Thuy-Nga (Tia) Pham et l’équipe Santé familiale du sud-est de Toronto — deux autres exemples de soins primaires interprofessionnels à domicile pour les patients confinés à la maison. Ce que je trouve assez remarquable, c’est que sans l’esprit d’initiative de ces chefs de file de la profession médicale, ces quatre programmes n’auraient jamais vu le jour. Chaque programme a été créé pour répondre directement aux besoins de la collectivité. Non seulement ces médecins s’efforcent-ils de servir cette population marginalisée, mais ils ont aussi trouvé du financement pour créer des équipes interprofessionnelles et mieux répondre aux nombreux besoins de ces patients.
Nous ne savons pas combien de Canadiennes et de Canadiens sont confinés à la maison. Je sais toutefois que ces programmes doivent se fixer des critères stricts, sinon ils seraient inondés de demandes. Par nature, les patients confinés à la maison ne sont pas du genre à défendre haut et fort leurs intérêts et passent souvent inaperçus si on ne les cherche pas. Je suis reconnaissant envers ces médecins qui ont cerné un besoin et se sont efforcés d’y répondre avec beaucoup de succès. Malgré les efforts colossaux de ces équipes, de nombreux Canadiens confinés à la maison n’ont pas accès aux soins primaires et attendent qu’un plus grand nombre d’entre nous entendions l’appel qui leur est lancé et éprouvions la satisfaction de servir cette population.
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