Résumé
Dans le monde entier, environ 2/3 des décès sont attribuables à des maladies chroniques non transmissibles, et cette proportion est à peu près semblable au Canada. Selon l’étude Global Burden of Disease, la mauvaise alimentation est le principal risque de mortalité et le deuxième risque d’incapacité en importance au Canada. Il est évident que pour régler ce problème de santé majeur, il nous faut une approche exhaustive assortie de solides politiques gouvernementales. En 2016, le gouvernement canadien a annoncé sa Stratégie en matière de saine alimentation, dont la mise à jour du Guide alimentaire canadien fait partie intégrante. Le gouvernement a publié, en janvier 2019, une première série de documents (y compris le nouveau Guide alimentaire canadien et les Lignes directrices canadiennes en matière d’alimentation) et, plus tard cette année, il publiera des recommandations de saines habitudes alimentaires. Une grande partie de ces travaux concordent avec un certain nombre de politiques élaborées et adoptées par des organisations de la santé et de la communauté scientifique qui sont membres du Comité consultatif canadien sur l’hypertension. Le présent commentaire constitue un appel à l’action lancé à la communauté scientifique et de la santé, tant aux particuliers qu’aux organisations, pour qu’elle veille à adopter des politiques conformes et complémentaires à celles élaborées dans le contexte de la collaboration du Comité consultatif canadien sur l’hypertension, et pour qu’elle participe activement en offrant ses contributions et ses commentaires sur la Stratégie du Canada en matière de saine alimentation par l’entremise du Répertoire des intervenants de Santé Canada.
Les répercussions d’une mauvaise alimentation sur les Canadiens
L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) estime que 63 % des décès dans le monde sont attribuables à des maladies chroniques non transmissibles (p. ex. maladies cardiovasculaires, cancer, diabète et obésité)1–3. Selon les estimations, ces maladies chroniques non transmissibles coûtent 190 milliards de dollars par année au Canada4, un fardeau financier qui continue de croître à mesure qu’augmentent la morbidité, les comorbidités et la mortalité qui en découlent5. À cette réalité s’est ajoutée l’escalade en nombres absolus de personnes atteintes d’hypertension6,7, de dyslipidémie8 et de diabète9, qui contribuent tous de manière substantielle à la mortalité et à la morbidité7,8,10.
La mauvaise alimentation est le principal risque de mortalité et le deuxième risque d’incapacité en importance au Canada. Selon l’étude Global Burden of Disease, on estime que les risques alimentaires ont tué environ 48 000 Canadiens et causé plus de 800 000 années d’incapacité en 201611. Le fardeau économique de l’alimentation malsaine au Canada est élevé, représentant environ 13,8 milliards de dollars par année12. Les principaux facteurs de ces mauvaises habitudes alimentaires des Canadiens sont la consommation accrue d’aliments transformés à forte teneur en calories, en sel, en sucre et en gras saturés, et un apport insuffisant en grains entiers, en noix, en graines, en légumineuses, en fruits et en légumes13,14. Par exemple, 75 % des Canadiens consomment plus de sel alimentaire que la quantité recommandée, et plus de la moitié des Canadiens ont un régime alimentaire qui surpasse les niveaux recommandés en sucre et en gras saturés13.
Le rôle des politiques dans l’alimentation
Historiquement, l’accès limité aux aliments représentait un défi majeur pour les humains15,16. Par ailleurs, la Deuxième révolution agricole, autour du 18e siècle, a été considérée comme une évolution majeure dans la production d’aliments, menant à la Révolution industrielle et à l’expansion rapide de la disponibilité de produits alimentaires17. Depuis ce temps, les gouvernements ont déployé des efforts concertés pour élaborer des politiques visant à accroître la production et la distribution d’aliments à faibles coûts et plus durables, exempts de pathogènes infectieux et de toxines nuisibles, en insistant davantage sur la sécurité alimentaire et les aspects économiques18. Parmi les exemples de politiques gouvernementales figurent divers programmes de subventions, des campagnes de promotion d’une saine alimentation, l’analyse des aliments pour détecter des bactéries ou des toxines, l’étiquetage des aliments et l’aide alimentaire pour les citoyens à faible revenu19.
De toute évidence, les habitudes alimentaires individuelles sont influencées par une série d’éléments complexes20. Cependant, jusqu’à présent, la plupart des politiques gouvernementales canadiennes portant sur les répercussions du régime alimentaire sur les maladies chroniques non transmissibles ont surtout été axées sur l’éducation et visaient les choix personnels18. Malheureusement, de nombreux facteurs dans l’environnement communautaire et socioculturel, de même que chez les entreprises commerciales, agissent ensemble pour nuire directement à la capacité d’une personne d’acheter, préparer et consommer ses aliments21–24. Tous ces facteurs peuvent être fortement influencés par une réglementation ou des politiques gouvernementales. Par exemple, Mozaffarian et ses collègues18 ont mis en évidence des façons dont les gouvernements peuvent façonner favorablement les habitudes alimentaires de leurs citoyens. Il s’agit de stratégies à facettes multiples qui se fondent sur la science comportementale et stratégique, et sur des données probantes de plus en plus nombreuses étayant leur efficacité. Il est clair que, mises ensemble, les politiques gouvernementales sont un moteur essentiel pour influer de manière significative sur le rôle important que joue l’alimentation dans la santé des Canadiens25. En outre, de nombreuses organisations canadiennes du monde des sciences et de la santé ont entériné divers énoncés de principes à l’appui de politiques publiques en faveur d’une saine alimentation26,27.
La nouvelle Stratégie du Canada en matière de saine alimentation
En octobre 2016, le gouvernement du Canada, par l’intermédiaire de Santé Canada, annonçait sa nouvelle Stratégie en matière de saine alimentation28, dont la vision s’énonce comme suit : « faire en sorte que le choix le plus sain soit plus facile à faire pour les Canadiens ». Comme il est mentionné précédemment, il est possible de miser sur un certain nombre de stratégies en synergie pour améliorer l’alimentation des Canadiens, et aucune intervention ne peut à elle seule venir à bout des complexités du système alimentaire actuel18,25. Il n’est donc pas surprenant qu’un certain nombre de politiques alimentaires internationalement recomm andées aient été incluses dans la Stratégie en matière de saine alimentation. Plus précisément, la stratégie vise à améliorer l’information sur la saine alimentation en insistant sur les comportements alimentaires, à améliorer la qualité des aliments, à protéger les populations vulnérables et à faciliter un meilleur accès aux aliments nutritifs, de même que leur disponibilité. Les initiatives pivots sur lesquelles repose cette stratégie sont les suivantes :
la révision du Guide alimentaire canadien;
l’amélioration de l’information figurant sur l’étiquette et sur le devant des emballages;
la réduction du sodium dans les aliments;
l’élimination des gras trans industriels;
une campagne de sensibilisation pour réduire la consommation de boissons sucrées;
la restriction de la publicité destinée aux enfants concernant les boissons et les aliments mauvais pour la santé;
l’élargissement et l’actualisation du programme Nutrition Nord Canada.
Parmi ces initiatives, la révision et la nouvelle conceptualisation du Guide alimentaire sont des éléments clés qui fournissent un contexte fondé sur des données probantes pour recommander aux Canadiens des modèles d’alimentation et de comportements, et qui ont le plus de répercussions sur les activités courantes des professionnels de la santé.
Sites web utiles
Stratégie de Santé Canada en matière de saine alimentation : https://www.canada.ca/fr/services/sante/campagnes/vision-canada-en-sante/saine-alimentation.html
Guide alimentaire canadien : https://guide-alimentaire.canada.ca/fr/
Lignes directrices canadiennes en matière d’alimentation : https://guide-alimentaire.canada.ca/fr/directrices/
Trousse des intervenants du Guide alimentaire canadien : https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/guide-alimentaire-canadien/ressources/vos-outils-intervenants.html
Pétition du Calgary Statement : https://www.change.org/p/enact-food-policies-to-curb-chronic-disease-and-health-inequity-for-all-canadians
Répertoire des intervenants de Santé Canada : https://www.canada.ca/fr/sante-canada/organisation/a-propos-sante-canada/mobilisation-publique/registre-intervenants.html
Processus de révision du Guide alimentaire canadien : https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/guide-alimentaire-canadien/contexte/processus-revision-guide-alimentaire-canadien.html
Réunions et correspondance sur la Stratégie en matière de saine alimentation : https://www.canada.ca/fr/services/sante/campagnes/vision-canada-en-sante/saine-alimentation/reunions-correspondance.html
Le nouveau Guide alimentaire canadien
Nous avons aujourd’hui un accès sans précédent à l’information. La majorité des Canadiens obtiennent sur Internet des renseignements sur les soins de santé et diverses informations connexes29. Ce phénomène, combiné à l’utilisation grandissante des médias sociaux30, a créé un environnement d’information sur l’alimentation truffé de messages contradictoires et de conseils potentiellement erronés, trompeurs ou préjudiciables31,32. Dans un tel contexte, il n’est pas surprenant que la majorité des gens soient d’avis qu’il était nécessaire d’actualiser le Guide alimentaire canadien, initialement élaboré en 1992, puis mis à jour en 2007, sur le plan non seulement du contenu, mais aussi de la convivialité33.
Pour atteindre son objectif d’élaborer une nouvelle approche à l’endroit de l’alimentation et de la nutrition34, le gouvernement canadien a prévu une approche en plusieurs étapes : évaluer les récentes données probantes pour actualiser les politiques sur les recommandations alimentaires, produire des ressources simplifiées (y compris des aides visuelles, des conseils et des messages), et lancer une solution intégrée en ligne, axée principalement sur les appareils mobiles. Le gouvernement a proposé que les politiques sur les recommandations alimentaires soient divisées en plusieurs éléments, notamment la publication par étape du nouveau Guide alimentaire canadien35 et des Lignes directrices canadiennes en matière d’alimentation36 (rendus publics en janvier 2019), de même que des modèles d’alimentation (dont le lancement est prévu plus tard en 2019).
Le Guide alimentaire de 201935 repose sur 3 des 4 principes directeurs des Lignes directrices en matière d’alimentation36, plutôt que d’être de prime abord un guide alimentaire prescriptif. Les principaux éléments qui ont éclairé le nouveau Guide alimentaire sont les suivants : 1) les fondements d’une saine alimentation (p. ex. les aliments qui améliorent la santé selon les données probantes)37, 2) les aliments et les boissons qui nuisent à une saine alimentation (p. ex. les aliments qui nuisent à la santé selon les données probantes)37 et 3) l’importance des compétences en alimentation (p. ex. les compétences et les connaissances nécessaires pour être capables d’appliquer les points 1 et 2, et pour permettre aux gens de naviguer dans l’environnement alimentaire complexe dans lequel nous vivons). Voici un exemple de la façon dont les lignes directrices en matière d’alimentation se traduisent dans le Guide alimentaire, puis dans les politiques : les aliments et les boissons transformés contribuent probablement à une consommation excessive de sodium, de sucres libres ou de gras saturés, ce qui nuit à une saine alimentation36. Cette donnée est transposée dans le Guide alimentaire sous forme de recommandation de limiter la consommation d’aliments hautement transformés et de remplacer les boissons sucrées par de l’eau35, ce qui, en théorie, devrait susciter des changements dans les politiques fédérales, provinciales ou régionales s’appliquant à l’utilisation des gras trans dans la production industrielle d’aliments, aux taxes sur les boissons sucrées ou aux pratiques d’approv isionnement38 (des aspects qui concordent avec le quatrième élément des Lignes directrices en matière d’alimentation : la mise en œuvre).
Il est envisagé que ces principes directeurs servent aussi de piliers pour élaborer des recommandations canadiennes de modèles d’alimentation à l’intention des professionnels de la santé et des décideurs, qui feront partie de la prochaine série de publications. Étant donné la diversité de la population canadienne, il est évident qu’un document statique, qui propose des lignes directrices rudimentaires sur les groupes alimentaires, ne sera probablement pas suffisant pour répondre aux besoins d’une majorité de Canadiens. C’est pourquoi la prochaine série d’outils proposés fournira des renseignements sur des modèles alimentaires potentiels (p. ex. des conseils plus précis sur les quantités et les types d’aliments en se fondant sur des facteurs contextuels individuels, comme les données sociodémographiques). On prévoit que la série inclura aussi des données statistiques récentes provenant d’enquêtes de surveillance alimentaire continues (p. ex. Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes), et les données scientifiques en évolution sur la nutrition (p. ex. revues systématiques sur l’apport alimentaire en macronutriments et en micronutriments et le risque de maladies chroniques non transmissibles). Si ce projet se concrétise, ces recommandations de modèles ou de plans d’alimentation offriront des renseignements actualisés et adaptés au contexte propre à chaque Canadien.
Pour assurer que les principes fondamentaux du nouveau Guide alimentaire atteignent autant de personnes que possible, le quatrième principe directeur des Lignes directrices en matière de saine alimentation36 insiste sur la mise en œuvre. Santé Canada a indiqué qu’il élabore aussi une série d’outils visant à améliorer l’efficacité du Guide alimentaire. Des aides visuelles portant sur les messages clés et les conseils pratiques, y compris des renseignements simplifiés et la promotion des compétences alimentaires, ont déjà été élaborés39, et leur diffusion par divers moyens, comme des vidéos et les médias sociaux, est déjà en cours. Par ailleurs, le moteur essentiel de ces efforts sera la conception d’une application interactive sur le web. On s’attend à ce que cette interface mobile, prévue plus tard en 2019, fournisse des renseignements utilisables sur mesure qui amélioreront l’expérience du Guide alimentaire autant pour la population en général que pour les professionnels de la santé.
Le rôle des professionnels de la santé dans la nouvelle Stratégie en matière de saine alimentation et le Guide alimentaire
Pour aller de l’avant, il y a 3 domaines importants dans lesquels les professionnels de la santé joueront un rôle essentiel à la réussite de la Stratégie en matière de saine alimentation et du Guide alimentaire : la consultation, la mise en œuvre et la responsabilisation du gouvernement37.
Consultation.
La transparence est un principe fondamental dans la nouvelle stratégie. Les guides alimentaires antérieurs ont été critiqués en raison du trop grand nombre de groupes d’intérêts représentés (p. ex. l’industrie alimentaire) dans leur élaboration40,41. Le processus actuel se démarque par des consultations exhaustives auprès des professionnels de la santé, des universitaires, des patients, des collectivités et des groupes de soins de santé (dont les réunions et la correspondance sur la saine alimentation sont publiées sur un site web42) (Figure 1). L’industrie n’a pas participé à l’exercice. À l’avenir, on s’attend à procéder de la même façon. On a l’intention de tenir des consultations sur une base continue auprès des experts universitaires et cliniques concernant le contenu de la politique sur les recommandations alimentaires. On apportera aussi des changements suggérés par les utilisateurs à l’application sur le web et aux divers outils pour améliorer leur accessibilité et leur utilité.
Santé Canada a facilité ce processus en mettant sur pied un Répertoire des intervenants34, dans lequel tous peuvent s’inscrire pour participer aux consultations. En tant que cliniciens et universitaires, nous avons la possibilité d’assurer que tous les aspects de la Stratégie en matière de saine alimentation demeurent actuels, pertinents et accessibles.
Mise en œuvre.
En fin de compte, la réussite de la Stratégie en matière de saine alimentation sera mesurée par son influence sur les habitudes alimentaires des Canadiens et, par conséquent, par des améliorations significatives dans la santé à long terme de la nation. Même si le gouvernement entreprendra sans doute diverses campagnes de sensibilisation aux nombreux éléments et outils de la Stratégie en matière de saine alimentation et du Guide alimentaire canadien, les professionnels de la santé exerceront un rôle important dans leur mise en œuvre à titre individuel et par l’intermédiaire de nos organisations au niveau de la population.
Il est à espérer que les outils qui seront élaborés, surtout ceux entourant le Guide alimentaire39, seront pertinents tant pour les patients que pour les professionnels de la santé. Il sera aussi important de faire connaître ces outils aux professionnels de la santé, de même que la façon de les mettre en œuvre de manière optimale. Pour habiliter les patients dans leurs efforts pour changer leurs comportements, il sera essentiel d’identifier les principaux facteurs décisifs des raisons et de la façon dont les professionnels de la santé voudront incorporer ces outils dans leur pratique. Parmi les exemples de possibilités pour les professionnels de la santé d’améliorer la mise en œuvre figurent le recours à la fonctionnalité de personnalisation du Guide alimentaire pour mieux adapter les repas pour les patients atteints de maladies chroniques complexes, l’élaboration de politiques d’approvisionnement en aliments sains à l’échelle locale38, une meilleure éducation des professionnels de la santé en réformant les cursus avant et après la certification, de même que l’intégration de l’évaluation de la qualité et de la sécurité alimentaires dans les dossiers médicaux électroniques standards. L’élaboration de mesures de la qualité de la mise en œuvre aux niveaux régional, provincial et national peut fournir des paramètres appropriés pour mobiliser la communauté et faire le suivi de la réussite44.
Responsabilisation.
Comme nous l’avons évoqué plus tôt, la première étape de la responsabilisation est d’être en mesure de vérifier systématiquement tous les changements mis en œuvre, de manière à pouvoir en évaluer les progrès et les rajuster au besoin. Autrement dit, il faut élaborer des systèmes sur lesquels miser pour tenir le gouvernement fédéral responsable. Les individus, de même que les établissements, les sociétés et les associations du secteur de la santé, doivent s’assurer que la Stratégie en matière de saine alimentation se traduit réellement par des actions concrètes du gouvernement fédéral.
Compte tenu de la structure décentralisée des soins de santé au Canada, il importe aussi d’exercer des pressions pour assurer une extension cohérente et interconnectée de la Stratégie en matière de saine alimentation à tous les paliers de responsabilité (p. ex. milieux locaux des soins de santé, villes et arrondissements, provinces), et de se doter d’un système pour surveiller sa mise en œuvre. Une stratégie coordonnée entre les différents ministères et organismes gouvernementaux offrirait le scénario optimal pour influer sur la santé des Canadiens.
Un dernier aspect de la responsabilisation dont il faut se préoccuper réside dans les conflits d’intérêts. Aux États-Unis, des données factuelles convaincantes montrent que l’industrie, par l’intermédiaire de ses lobbyistes, peut indûment influer sur les politiques45,46. Même si Santé Canada a fait le travail sans précédent d’élaborer la Stratégie en matière de saine alimentation indépendamment de l’industrie, nous devons tous reconnaître nos propres partis pris et conflits, surtout lorsque nous travaillons à élaborer des plans de mise en œuvre et de surveillance plus complets.
Conclusion
De toute évidence, l’alimentation est le facteur de risque de maladies chroniques non transmissibles le plus modifiable. Des succès antérieurs dans les efforts nationaux visant à s’attaquer aux enjeux comportementaux nationaux (p. ex. tabagisme) ont misé sur des approches à multiples facettes, ce qui signifie que nous, en tant que professionnels de la santé, devons nous impliquer activement dans tous les aspects pour assurer un changement culturel majeur relativement aux régimes et aux comportements alimentaires, ce qui entraînerait une amélioration subséquente de la santé. Historiquement, le Guide alimentaire canadien a exercé un rôle plus limité qu’on l’aurait espéré dans la modification des habitudes alimentaires des Canadiens. Dans le cadre de la Stratégie en matière de saine alimentation, Santé Canada a mis sur pied une plateforme qui a le potentiel de jeter les bases d’améliorations significatives dans les comportements alimentaires des Canadiens. Le nouveau Guide alimentaire a été produit à la suite de vastes consultations, un processus qui devrait se poursuivre pour assurer sa pertinence et qui a été structuré pour offrir de la flexibilité à la majorité des Canadiens. Il importe toutefois de se rappeler qu’il est difficile pour de nombreux Canadiens de s’alimenter sainement dans leur environnement actuel. Comme l’énonce la déclaration récente du Calgary Statement concernant les politiques sur la nutrition et la santé47 (voir l’Annexe 1, accessible en anglais dans CFPlus*), il faut créer des environnements alimentaires au moyen de politiques publiques qui soutiennent les Canadiens dans le maintien de régimes sains là où ils vivent, apprennent, travaillent et s’amusent. La Stratégie en matière de saine alimentation peut être considérée comme un point de départ du développement continu de politiques qui mettent l’accent sur l’intérêt supérieur des Canadiens, plutôt que sur celui de l’industrie ou de certains secteurs agricoles.
Les professionnels et les universitaires canadiens de la santé ont un rôle important à jouer dans la mise en œuvre des politiques et des outils de la Stratégie en matière de saine alimentation (p. ex. Guide alimentaire), en assurant la responsabilisation à tous les niveaux et l’évolution des philosophies qui sous-tendent cette stratégie, grâce à l’élaboration de politiques appropriées sur une base continue. Si nous sommes capables d’améliorer significativement l’alimentation des Canadiens, nous serons en mesure de récolter des bienfaits considérables sur les plans de la santé, de l’économie et de la société. En 2011, des organisations canadiennes du domaine de la santé et des sciences ont élaboré le Cadre pancanadien pour la prévention et le contrôle de la pression artérielle26,27. Étant donné que l’hypertension est associée à 80 % à des régimes malsains, le cadre a mis en évidence le rôle central de la mauvaise alimentation et la nécessité de créer des environnements alimentaires sains grâce à des politiques. Fait à remarquer, les organisations canadiennes de la santé et du milieu scientifique accordent la priorité, dans ce cadre, aux efforts pour mettre en application des politiques sur la saine alimentation26. De plus, depuis l’élaboration de ce cadre, les organisations membres du Comité consultatif canadien sur l’hypertension ont produit des énoncés de principes consensuels sur les sujets suivants : la restriction du marketing d’aliments malsains destiné aux enfants; l’approvisionnement en aliments sains; l’intensification de la recherche, de la surveillance et de l’évaluation de l’approvisionnement alimentaire et des politiques sur l’alimentation au Canada; la définition des aliments sains; l’imposition de taxes sur les aliments malsains et l’octroi de subventions pour les aliments sains; l’élimination des conflits d’intérêts financiers avec le secteur de l’alimentation. Elles ont aussi produit des fiches d’information et lancé des appels à la mobilisation sur le sodium alimentaire et l’alimentation malsaine48,49. Tous ces énoncés semblent concorder avec les grands principes de la Stratégie en matière de saine alimentation, et cette concordance ouvre la voie à la concrétisation des politiques en action.
Appel à l’action
Nous lançons à l’ensemble de la communauté scientifique et des soins de santé du Canada*, tant aux personnes qu’aux organisations, un appel à l’action pour adopter des politiques conformes et comp lémentaires à celles énoncées dans le Calgary Statement47 et l’Appel à la mobilisation pour la mise en œuvre d’une politique de saine alimentation25, y compris tous les énoncés de principes connexes48,49, et pour plaider auprès de tous les paliers de gouvernement en faveur de la mise en œuvre rapide de telles politiques. Par exemple, les organisations canadiennes de la santé et de la communauté scientifique peuvent encourager activement leurs membres à signer la pétition du Calgary Statement47, et à participer à d’autres efforts de promotion de politiques de saine alimentation. De plus, nous invitons les membres de la communauté à participer activement en exprimant leurs contributions et leurs commentaires sur la Stratégie en matière de saine alimentation au moyen du Registre des intervenants de Santé Canada43. Cela pourrait être le geste le plus important que nous fassions pour nos patients et notre société.
Footnotes
Pour que cet appel à la mobilisation ait un impact aussi vaste que possible, il est publié simultanément dans les revues et les bulletins suivants : Revue des Pharmaciens du Canada, Canadian Journal of Diabetes, Revue canadienne de médecine interne générale, Health and Fitness Journal of Canada, Le Médecin de famille canadien et CV Edge.
* Les Annexes 1 et 2 se trouvent en anglais à www.cfp.ca. Rendez-vous au texte intégral (Full text) en ligne et cliquez sur l’onglet CFPlus.
* Organisations impliquées dans cet appel : Ce commentaire a été rédigé par des membres du Comité consultatif canadien sur l’hypertension, qui est une coalition d’organisations canadiennes liées à la santé et aux sciences (voir l’Annexe 2, accessible en anglais dans CFPlus*, pour connaître les organisations précises qui ont contribué aux déclarations du comité), et a fait l’objet d’une révision par toutes les organisations membres participantes. Les auteurs du présent commentaire représentent les organisations suivantes, qui participent au Comité consultatif canadien sur l’hypertension : la Canadian Association of Cardiovascular Prevention and Rehabilitation, Hypertension Canada, l’Association canadienne des pharmaciens et la Fondation des maladies du cœur et de l’AVC du Canada—ces organisations n’ont pas directement donné leur aval à ce commentaire en particulier.
Intérêts concurrents
M. Bacon rapporte des subventions de GSK et AbbVie et des honoraires personnels de Schering-Plough, Merck, AstraZeneca, Sygesa, Novartis, Janssen et Bayer, sans lien avec le travail présenté. Le Dr Campbell rapporte des honoraires personnels et autres de Novartis Foundation et de Midway Corp, sans lien avec le travail présenté et être membre sans rémunération du World Action on Salt and Health et consultant sans rémunération sur le sodium alimentaire auprès de nombreuses organisations gouvernementales et non gouvernementales. Mme Raine n’a rien à divulguer. M. Tsuyuki rapporte des subventions de Merck Canada, Sanofi Canada et AstraZeneca et des honoraires personnels de Merck Canada, sans lien avec le travail présenté. La Dre Khan n’a rien à divulguer. M. Arango n’a rien à divulguer. M. Kaczorowski n’a rien à divulguer.
Cet article a fait l’objet d’une révision par des pairs.
The English version of this article is available at www.cfp.ca on the table of contents for the June 2019 issue on page 393.
- Copyright© the College of Family Physicians of Canada
Références
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