Si tu sais méditer, observer et connaître,
Sans jamais devenir sceptique ou destructeur,
Rêver, mais sans laisser ton rêve être ton maître,
Penser sans n’être qu’un penseur ;
[...]
Alors les Rois, les Dieux, la Chance et la Victoire
Seront à tous jamais tes esclaves soumis,
Et, ce qui vaut mieux que les Rois et la Gloire
Tu seras un homme, mon fils.
André Maurois1, « Tu seras un homme, mon fils »
Fatigue : État physiologique consécutif à un effort prolongé, à un travail physique ou intellectuel intense, se traduisant par une difficulté à continuer cet effort ou ce travail2.
Il arrive assez souvent que les médecins soient fatigués3. Qu’ils soient au bout du rouleau. Qu’ils n’en puissent plus.
Il est vrai que les attentes à leur égard sont très élevées. Celles envers les médecins de famille sont, sans contredit, excessives. On prétend que ces derniers sont habilités à travailler dans tous les champs de la médecine : soins ambulatoires, soins hospitaliers, obstétrique, pédiatrie, gériatrie, soins intensifs, soins palliatifs, etc. On s’attend également à ce qu’ils visitent leurs malades en centre d’accueil et en soins de longue durée, sans oublier les visites à domicile. Par ailleurs, il faut que les médecins de famille soient des maîtres en compétences transversales4 : en plus d’experts, ils doivent être d’excellents communicateurs, des érudits à jour, des collaborateurs engagés, de fins gestionnaires, de bons conseillers et toujours agir de façon professionnelle, peu importe les circonstances. On s’attend à ce que, dans chacun de ces domaines et compétences, un médecin de famille soit aussi bon que son collègue spécialiste, dont le champ d’expertise est pourtant bien moins vaste. Bref, on s’attend à ce qu’il sache tout, puisse tout et ait un comportement exemplaire en tout temps et en tout lieu. Autant dire qu’il doit être parfait, omnipuissant, omniprésent (après tout, c’est un omni !).
Pas surprenant, dès lors, que tant de médecins de famille se confinent plutôt à un champ d’exercice, développent un créneau d’expertise et s’y cantonnent. Pas surprenant non plus que tant de résidents optent, après leur formation générale, pour une formation additionnelle débouchant vers une pratique ciblée.
Évidemment, chaque profession comporte son lot de difficultés et d’embûches. Croyez-vous que la vie professionnelle des infirmières, des préposées aux bénéficiaires, des enseignants, des secrétaires soit plus aisée ? Eux aussi ont un dur labeur. Cependant, en médecine, et plus particulièrement en médecine familiale, lorsque ça va mal, c’est contre le médecin qu’on s’en prend. Les tweets, les évaluations dans les médias sociaux, les plaintes, les demandes d’enquête et les poursuites de tout acabit fusent de partout. Le médecin de famille estil le capitaine du navire ? L’ultime responsable ? Il n’est pas difficile d’imaginer alors que tant de médecins de famille se sentent fatigués.
À ceux qui sont portés au découragement, à ceuxlà qui ont l’impression de ne jamais en faire assez, je vous invite à méditer sur le poème « Tu seras un homme, mon fils »1, une adaptation du « Si », de Kipling.
À tous ceux qui sont fatigués, je vous invite à lire l’article « The novel disease of the family physician and its cost-effective treatment options », de Sangeeta Vaideswaran, que nous publions en page e1315.
Quel beau texte !
Footnotes
This article is also in English on page 231.
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Références
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- 4.
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