Les accès de frissonnement sont de brefs épisodes de grelottement qui peuvent se produire à forte fréquence, ressemblent à des convulsions et inquiètent considérablement les parents. Ils ont tout d’abord été rapportés en 1976 comme un signe avant-coureur du tremblement essentiel chez 6 nourrissons et enfants ayant des antécédents familiaux de tremblement1, mais les rapports subséquents n’ont pas pu confirmer cette association2,3.
On croit que l’incidence des accès de frissonnement est très faible, mais les mauvais diagnostics sont courants. Dans 2 hôpitaux tertiaires de l’Arabie saoudite occidentale, 12 enfants avaient eu des accès de frissonnement sur une période de 6 ans, et aucun d’entre eux n’avait été envoyé en consultation avec un diagnostic précis3. Dans un centre en Allemagne, 3 enfants ont été diagnostiqués durant une même année4. À Sydney, en Australie, sur une période de 10 ans, 21 des 666 enfants qui avaient subi une investigation par électroencéphalogramme (EEG) pour des incidents paroxystiques ont reçu un diagnostic de mouvements de frissonnement, ce qui représentait 7 % des 285 incidents non épileptiques5.
Présentation
Les accès de frissonnement se présentent habituellement sous forme d’un raidissement, d’une posture tonique et de mouvements de grelottement rapides de la tête et des extrémités supérieures, et parfois du tronc1,2,5,6. L’expression faciale peut changer durant l’accès, y compris un regard fixe2,4,6, une déviation de l’œil, un resserrement des lèvres et le grincement des dents6. Les épisodes durent habituellement de quelques-unes à 15 secondes2,5-7. La fréquence des accès varie largement, mais peut souvent atteindre des centaines de fois par jour1,8, et les épisodes peuvent se produire en grappes d’intervalles plus longs6. Les accès de frissonnement sont différents des frissonnements communs en raison de leur durée plus longue, de leur plus grande fréquence et de la posture des bras2.
Les enfants demeurent entièrement conscients durant et après un épisode, ce qui distingue les accès de frissonnement des convulsions2,7,9. Les accès ont une apparition paroxystique durant des activités normales, comme être assis dans une chaise ou lors d’un changement de couche2,6. Ils se déclenchent spontanément et ne sont pas provoqués par un mouvement volontaire2, quoiqu’un garçon de 15 mois ait eu des épisodes associés à l’imbrication de blocs Lego et des mouvements de la tête quand on lui séchait les cheveux4. Parmi les déclencheurs des accès figurent l’excitation2,3, les repas4,6 et la frustration de ne pas être capable d’effectuer une tâche3,6. Aucun accès de frissonnement n’a été rapporté durant le sommeil2.
Pathophysiologie
La pathophysiologie des accès de frissonnement est inconnue. Dans le premier signalement, on avait émis l’hypothèse qu’il s’agissait de l’expression d’un cerveau immature du tremblement essentiel1, et la présentation des accès de frissonnement peut ressembler à un tremblement essentiel postural6. Par ailleurs, une étude auprès de 39 enfants de moins de 18 ans atteints de tremblement essentiel n’a trouvé aucun antécédent personnel ou familial d’accès de frissonnement10, et d’autres rapports n’ont pas trouvé d’antécédents familiaux de tremblement essentiel3,6.
Un rapport a proposé que les accès de frissonnement puissent être une variante d’une myoclonie bénigne de la petite enfance, qui peut se manifester par des mouvements semblables et peut aussi être déclenchée par le fait de manger ou d’être excité6. Toutefois, cette condition a tendance à causer des mouvements spastiques plutôt que des trémulations, et elle se résorbe avant l’âge de 2 ans11. Plusieurs patients avaient des antécédents de naissance imminente avant terme, laissant croire à une relation possible avec un stress intrautérin6. Une autre explication proposée est que les accès de frissonnement sont une variante des tics moteurs, tous 2 se produisant exclusivement en état d’éveil et étant précipités par l’excitation ou la frustration3. Cependant, seulement 3 enfants ayant eu des accès de frissonnement avaient aussi des antécédents de tics1, et aucun n’avait eu de tics moteurs ou vocaux lors du suivi3.
Une carence en vitamine D a aussi été suggérée comme cause de frissons et de tremblements bénins chez les nouveau-nés12, mais seulement 1 rapport d’accès de frissonnement chez des enfants incluait un examen biochimique et avait trouvé un niveau limite de vitamine D7. D’autres théories proposent que les accès de frissonnement soient des convulsions dont les décharges épileptiformes profondes ne sont pas détectées par EEG, ou qu’ils s’agiraient d’événements autonomes paroxystiques semblables à l’éternuement ou au bâillement9.
Diagnostic
Une vidéo des épisodes est utile pour faire la distinction entre les mouvements des accès de frissonnement et les convulsions toniques ou myocloniques3,4. Par ailleurs, le diagnostic exact est corroboré avec plus de précision par la documentation de constatations normales à l’EEG, où seuls des artéfacts musculaires sont présents durant un accès2,3,5,6. Les tracés montrent des mouvements moteurs de faible amplitude et de haute fréquence (8 à 10 cycles par seconde), ce qui est différent des mouvements myocloniques ou cloniques en l’absence de convulsions, qui ont une amplitude plus élevée et une fréquence plus basse2.
Les constatations à l’examen neurologique chez les enfants ayant eu des accès de frissonnement sont normales2,3. Les paramètres de croissance, y compris la circonférence de la tête et les évaluations développementales, sont généralement normaux chez ces enfants 4, quoiqu’il y ait eu des rapports de diagnostics de retard développemental léger chez certains2,6. Les analyses de sang ne sont pas nécessaires, parce que les résultats de la mesure de la glycémie, des électrolytes et du dépistage endocrinien sont normaux6,7. L’imagerie du cerveau n’est pas recommandée pour les enfants chez qui on suspecte ce diagnostic. Parmi 12 enfants ayant reçu un diagnostic d’accès de frissonnement, 5 ont subi une tomographie assistée par ordinateur et 3 ont fait l’objet d’une imagerie par résonance magnétique avant l’évaluation par un spécialiste, et tous les résultats étaient normaux3.
Réassurer
Tout ce que ce problème bénin demande, c’est qu’on informe et rassure les parents3,4. Chez 12 enfants dont les accès de frissonnement étaient apparus entre 8 mois et 2 ans, tous avaient connu une rémission complète entre 3 et 7 ans3. Chez une fillette de 11 ans ayant connu des épisodes d’accès de frissonnement pendant 1 an, une évaluation de suivi à 8 mois n’a pas révélé de changement dans la fréquence, mais les accès ne nuisaient pas à la patiente2. Chez une fillette de 3 ans dont les nombreux accès de frissonnement par minute nuisaient à l’alimentation et à l’habillement, un essai de propranolol à raison de 0,5 mg/kg par jour s’est révélé efficace pour mettre un terme aux accès dans la semaine suivant le début de la thérapie8. Même si les bloqueurs des récepteurs β-adrénergiques sont le traitement de première intention pour le tremblement essentiel, il s’agit du seul rapport de leur utilisation pour des accès de frissonnement. Après des rechutes en essayant de discontinuer le propranolol, la patiente a continué à prendre indéfiniment la moitié de la dose initiale, mais il n’y a pas de rapport sur un suivi à long terme8.
Les accès de frissonnement ne sont pas associés à l’épilepsie plus tard dans la vie, bien qu’un signalement d’un garçon de 2 ans ayant ces accès ait suggéré le développement d’un état de mal épileptique6. Les médicaments antiépileptiques ne sont pas efficaces pour les accès de frissonnement14. Chez un garçon de 21 mois ayant des antécédents familiaux de convulsions chez 2 proches du premier degré, un essai d’antiépileptiques (phénobarbital et éthosuximide) n’a pas réduit la fréquence des épisodes d’accès de frissonnement2. Des enfants à qui on avait prescrit une thérapie antiépileptique avant l’évaluation par un spécialiste ont été sevrés de la médication sans effet sur la fréquence des accès3,6.
Conclusion
Les accès de frissonnement sont des mouvements de grelottement de la tête et des extrémités supérieures qui durent généralement plusieurs secondes et peuvent se produire à une grande fréquence. Des constatations normales à l’examen neurologique et au tracé de l’EEC permettent de faire la distinction entre ce problème et les syndromes épileptiques. Les accès de frissonnement diminuent spontanément en fréquence et disparaissent éventuellement avec l’âge, sans qu’une pharmacothérapie soit nécessaire.
Notes
Mise à jour sur la santé des enfants est produite par le programme de recherche en thérapeutique d’urgence pédiatrique (PRETx à www.pretx.org) du BC Children’s Hospital à Vancouver (Colombie-Britannique). Mme Wang est membre et le Dr Goldman est directeur du programme PRETx. Le programme PRETx a pour mission de favoriser la santé des enfants en effectuant de la recherche fondée sur les données probantes en thérapeutique dans le domaine de la médecine d’urgence pédiatrique.
Avez-vous des questions sur les effets des médicaments, des produits chimiques, du rayonnement ou des infections chez les enfants? Nous vous invitons à les poser au programme PRETx par télécopieur au 604 875-2414; nous y répondrons dans de futures Mises à jour sur la santé des enfants. Les Mises à jour sur la santé des enfants publiées sont accessibles dans le site Web du Médecin de famille canadien (www.cfp.ca).
Footnotes
Intérêts concurrents
Aucun déclaré
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Références
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